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Police-Justice

Le contrôle « au faciès » scientifiquement prouvé

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Les contrôles de police se font au faciès. En France : les arabes et les noirs sont sur-contrôlés. C'est ce que prouvent des chercheurs du CNRS, étude scientifique à l'appui.

La police française pratiquerait à grande échelle des "contrôles au faciès". Une étude scientifique, conduite dans la plus grande confidentialité par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et financée par l'Open Society Institute, une fondation américaine créée par le milliardaire George Soros, montre que les forces de l'ordre effectuent des contrôles d'identité discriminatoires vis-à-vis des arabes et des noirs. Pour les premiers, la probabilité d'être contrôlés est en moyenne 8 fois plus élevée que pour des blancs ; pour les seconds, elle est 6 fois plus importante. Un exemple, à la station Châtelet à Paris la probabilité de contrôle des noirs est 11 fois et demie plus grande que celle des blancs.

« Les policiers centrent leurs contrôles sur une population »

Ces résultats ont été obtenus par l'observation du travail de policiers, à leur insu. Pendant près de 6 mois, les enquêteurs du CNRS ont analysé 525 opérations de police à Paris (à la gare du Nord et à Châtelet-Les Halles). En notant différentes caractéristiques, comme l'explique Fabien Jobard, l'un des chercheurs du CNRS à l'origine de cette enquête : « Outre les critères de sexe et d'origine apparente - du type noir, blanc, magrébin, etc -, on a choisi d'introduire d'autres caractéristiques. Par exemple, le type de sac porté, parce qu'on est dans des zones Vigipirate et le sac peut être un motif légitime de contrôle. On a aussi relevé les caractéristiques des personnes présentes sur les lieux aux moments des contrôles, afin de comparer avec les caractéristiques des personnes contrôlées.
Ce qu'on a relevé, c'est que quand il n'y a pas d'infraction manifeste préalable de la part de la personne qui va être contrôlée, les policiers centrent leurs contrôles sur une population qui partage toujours les mêmes caractéristiques. La population de ceux qu'ils identifient comme étant les fauteurs de troubles. L'étude montre que cette population est jeune, habillée de manière très distinctive - style "hip hop" -, masculine et au sein de laquelle les arabes et les noirs sont surreprésentés. »

« Un écart entre ce que la loi dit et les pratiques observées »

Pointant du doigt « un écart entre ce que la loi dit des circonstances dans lesquelles le contrôle d'identité est justifié, et ce que les pratiques peuvent suggérer », Fabien Jobard explique : « Il faut que le policier puisse dire sur quels éléments il a fondé sa décision. Et sa décision doit se rapporter au fait que la personne vient de commettre une infraction ou qu'elle s'apprête à en commettre une, ou qu'elle trouble l'ordre public.
On peut par ailleurs se demander si vérifier les cartes nationales d'identité - c'est-à-dire soulever des questions très profondes sur la nationalité, la légitimité d'être dans le pays, etc. - c'est véritablement le bon moyen, le plus approprié pour manifester l'autorité légitime... »

« En Angleterre, les policiers doivent donner les motifs du contrôle »

Forte de cette étude, l'Open Society Institute a émis certaines recommandations. Notamment, exiger des policiers qu'ils expliquent systématiquement les motifs du contrôle au citoyen concerné. Et comme l'explique Fabien Jobard, « ça se fait en Angleterre, où les policiers doivent remettre par ailleurs un rapport écrit à chaque contrôle effectué, à leur hiérarchie, dans lequel ils précisent notamment la couleur de peau de la personne contrôlée. Du coup, le nombre de contrôle a chuté. Mais j'ai 2 remarques à ce sujet : d'abord, la loi dit qu'il faut un motif pour contrôler l'identité d'une personne ; donc pourquoi ne pas le dire à la personne contrôlée ? Deuxièmement, nous avons relevé que dans 8 cas sur 10, le contrôle n'a pas de conséquence, pas de suite, la personne n'est pas conduite au poste. Donc, manifestement, le contrôle n'a pas d'utilité judiciaire. La Fondation recommande donc de concentrer les contrôles sur ceux qui peuvent avoir une utilité immédiate. »

A la préfecture de police de Paris, on explique que les policiers ont un libre-arbitre... Et qu'ils sont là pour prévenir les crimes et les délits...

La rédaction, avec Steven Bellery