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Police-Justice

Le chef de la police française chez un juge pour espionnage

Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale (DGPN)

Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale (DGPN) - -

Le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Péchenard est arrivé ce vendredi au Palais de justice de Paris pour être entendu par deux juges qui pourraient le mettre en examen dans une affaire d'espionnage de la presse.

Le plus haut responsable policier français succède dans le bureau des magistrats à Bernard Squarcini, patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), mis en examen le 17 octobre pour "atteinte au secret des correspondances, collecte illicite de données et recel de violation du secret professionnel".

Ces policiers, deux proches de Nicolas Sarkozy qui les a nommés à leurs postes, sont mis en cause pour avoir obtenu d'un opérateur téléphonique, sous contrainte légale, les factures détaillées de téléphone, ou "fadettes", d'un reporter du Monde, Gérard Davet, à l'été 2010.

Il s'agissait de connaître l'informateur du journaliste à l'origine d'un article concernant l'enquête sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt et mettant en cause Eric Woerth, ministre UMP du Budget puis du Travail aujourd'hui redevenu député.

A six mois de la présidentielle, ce dossier suscite un affrontement entre l'opposition, qui voit les manoeuvres en cause dans cette affaire comme un scandale politique et demande la démission des policiers impliqués, et la majorité, qui la refuse au nom de la présomption d'innocence.

Jeudi soir lors d'une intervention télévisée, le chef de l'Etat a répété que Frédéric Péchenard resterait en poste.

Il a déclaré ironiquement sur une éventuelle suspension : "bien sûr, comme ça on vous sanctionne momentanément en respectant la présomption d'innocence, ça s'appelle la présomption de culpabilité".

Bernard Squarcini a reconnu les faits lors de son audition, expliquant qu'il avait exécuté un ordre de Frédéric Péchenard, tout en niant toute infraction.

Selon Bernard Squarcini, l'ordre de son supérieur était d'identifier l'origine de la fuite, sans précisions sur les modalités d'action, et notamment sans demande explicite sur les "fadettes" des journalistes.

Cette démarche était légitime, selon les deux policiers.

Identifié comme étant la source du Monde, un magistrat alors en poste au ministère de la Justice, David Sénat, a été chassé et chargé d'une mission sur la cour d'appel de la Guyane.

Selon de nombreux juristes, l'espionnage de la presse est en contradiction avec une loi sur la protection des sources journalistiques adoptée en 2010, qui est critiquée par la profession car elle ne prévoit aucune sanction.

Selon l'analyse des juges d'instruction, elle viole de plus les règles générales sur le secret des correspondances, la consultation d'une commission spécialisée étant normalement obligatoire pour obtenir des "fadettes", hors cas de "défense des intérêts nationaux".

Thierry Lévêque, édité par Patrick Vignal