BFMTV
Police-Justice

Le bouclier fiscal remis en lumière par l'affaire bettencourt

Le fisc français a signé un chèque de 30 millions d'euros en 2008 à l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, au titre du bouclier fiscal, une mesure mise en place par Nicolas Sarkozy en août 2007. /Photo d'archives/REUTERS/Pichi Chuang

Le fisc français a signé un chèque de 30 millions d'euros en 2008 à l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, au titre du bouclier fiscal, une mesure mise en place par Nicolas Sarkozy en août 2007. /Photo d'archives/REUTERS/Pichi Chuang - -

PARIS (Reuters) - Le fisc français a signé un chèque de 30 millions d'euros en 2008 à l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, au titre du...

PARIS (Reuters) - Le fisc français a signé un chèque de 30 millions d'euros en 2008 à l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, au titre du bouclier fiscal, une mesure mise en place par Nicolas Sarkozy en août 2007.

Eric Woerth, actuel ministre du Travail, et son successeur au Budget, François Baroin, n'ont pas contesté le chiffre révélé jeudi soir par le site Mediapart mais précisent que le versement était légal et n'avait pas à être approuvé par le ministre.

"L'aval du ministre de tutelle n'est pas requis, tant pour le calcul que pour le virement et quel que soit le montant du virement. Cette règle s'applique sans aucune exception à tous les contribuables, contrairement aux allégations diffusées par certains médias", écrit François Baroin.

Le bouclier fiscal permet à tout contribuable dont les contributions directes excèdent 50% des revenus déclarés au fisc après déductions de réclamer un remboursement.

Le fait que Liliane Bettencourt, 17e fortune mondiale avec 17 milliards d'euros selon le classement Forbes, en ait bénéficié illustre une des critiques faites à cette mesure depuis l'origine, le fait qu'elle bénéficie principalement à une minorité de grandes fortunes.

La gauche et quelques personnalités de droite, comme Dominique de Villepin, demandent avec constance sa suppression depuis le début de la crise financière.

Le porte-parole du Parti socialiste, Benoit Hamon, a estimé vendredi dans un communiqué que l'affaire Bettencourt démontrait "l'injustice et l'absurdité du bouclier fiscal".

Le chèque de Liliane Bettencourt représente la création de 700 postes d'enseignants ou de 1.200 postes d'infirmiers, ou la construction de trois collèges, ou encore une retraite de 1.500 euros pour 1.500 retraités pendant un an, dit-il.

"La première fortune de France s'est vue reverser une somme astronomique, dont l'Etat aurait pu faire usage pour améliorer la situation des Français qui payent aujourd'hui les pots cassés d'une crise dont ils ne sont pas responsables", ajoute-t-il.

PAS DE CONTRÔLE DE BETTENCOURT

Selon des chiffres officiels, le bouclier fiscal a coûté en 2008 environ 600 millions d'euros à l'Etat.

Il y a eu au total environ 14.000 bénéficiaires et 400 millions d'euros ont été distribués à moins de 1.000 personnes, qui ont un patrimoine supérieur à 15 millions d'euros.

Ces personnes ont reçu du fisc près de 400.000 euros en moyenne. La somme versée à Liliane Bettencourt, femme la plus riche de France, représente donc 5% du total du bouclier fiscal.

"En réalité, le débat actuel sur le bouclier fiscal, c'est moins sur le caractère légal de l'opération que sur son caractère légitime", a fait valoir Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat unifié des impôts.

"Plus on est riche, plus le remboursement est important, c'est pour cela que le bouclier est le symbole de l'injustice fiscale. Mathématiquement, il n'y a rien à redire, c'est moralement qu'il y a à redire", a-t-il ajouté sur France Info.

Le chèque signé à Liliane Bettencourt, donatrice de l'UMP et d'un "micro-parti" dirigé par Eric Woerth, suscite par ailleurs d'autres questions sur ses rapports avec le fisc.

Le parquet de Nanterre a en effet dit publiquement avoir transmis début 2009 au service des impôts des éléments concernant le photographe François-Marie Banier, qui a reçu un milliard d'euros de dons de la milliardaire de 2002 à 2007.

Ces éléments portaient notamment sur une île aux Seychelles possédée par Liliane Bettencourt et dissimulée au fisc, d'une valeur de plusieurs centaines de millions d'euros.

Aucun contrôle ne semble avoir été diligenté. Selon Mediapart, Liliane Bettencourt n'a fait l'objet d'aucune vérification fiscale depuis quinze ans.

François Baroin a annoncé en début de semaine une enquête de l'Inspection générale des finances sur le cas Bettencourt et un examen de sa fortune en France et à l'étranger par le fisc.

Thierry Lévêque, édité par Gilles Trequesser