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Police-Justice

La SocGen sur la sellette à son tour au procès Kerviel

Maître Jean Veil, qui représente la Société générale. Le fonctionnement des salles de marchés de la Société générale et leur contrôle ont été mis en cause jeudi au troisième jour du procès en appel de Jérôme Kerviel, ex-trader tenu pour responsable d'une

Maître Jean Veil, qui représente la Société générale. Le fonctionnement des salles de marchés de la Société générale et leur contrôle ont été mis en cause jeudi au troisième jour du procès en appel de Jérôme Kerviel, ex-trader tenu pour responsable d'une - -

par Thierry Lévêque PARIS (Reuters) - Le fonctionnement des salles de marchés de la Société générale et leur contrôle ont été mis en cause jeudi au...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Le fonctionnement des salles de marchés de la Société générale et leur contrôle ont été mis en cause jeudi au troisième jour du procès en appel de Jérôme Kerviel, ex-trader tenu pour responsable d'une perte historique de 4,9 milliards d'euros par la banque en 2008.

Ce procès a montré que dans une grande banque comme la Société générale, certains cadres ne comprenaient pas vraiment tout ce qui se passe en "trading".

La représentante de la Société générale au procès, Claire Dumas, a ainsi justifié le fait que les positions de 30 milliards d'euros en 2007, puis de 50 milliards d'euros en 2008 prises par Jérôme Kerviel n'aient pas inquiété ceux qui les avaient eues sous les yeux, en déclarant : "(dans le personnel de certains services), on est sur des profils qui sont moins pointus".

Elle a aussi déclaré : "(la position) était visible, mais elle n'était pas vue et c'est normal". Elle assure en effet que comme cette position était en principe "couverte" par d'autres engagements censés réduire le risque, personne ne se souciait du volume. Ceux qui auraient pu le faire n'avaient pas l'information, a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, le volume des montants traités et l'énormité des transactions semblent avoir ôté tout sens aux chiffres.

Ainsi, pour expliquer qu'un courriel signalant qu'il manquait un milliard d'euros dans les comptes du fait de certaines prises de position de Jérôme Kerviel n'ait inquiété personne, Claire Dumas a déclaré à la barre : "un milliard, c'est pas choquant".

La banquière a expliqué que des positions de milliards d'euros, couvertes, n'avaient en fait aucun caractère dramatique. Dans son jargon, elle a dit : "la notion de notionnel n'est pas pertinente".

MÉPRIS

Le développement effréné des salles de marché à la Société générale, peuplés de très jeunes gens aux rémunérations énormes, ne s'est pas accompagné d'un développement parallèle des contrôles et de la gestion, a remarqué la Commission bancaire dans son enquête versée au dossier, et lue à l'audience.

La Commission bancaire a relevé que les personnes de l'administration devaient travailler jusqu'à minuit et le samedi pour mettre un semblant d'ordre dans les travaux des traders. Le principe général était plutôt d'éviter les erreurs techniques mais le risque de fraude n'était pas vraiment pris en compte.

C'était "très approximatif", a dit la présidente de la cour, Mireille Filippini. Sur ce point, au nom de la Société générale Claire Dumas a reconnu : "c'est un constat qui a été établi".

Les employés administratifs étaient méprisés par les traders qui ne leur adressaient pas souvent la parole et ne daignaient parfois même pas répondre à leurs mails de demandes d'explication, a aussi admis implicitement Claire Dumas.

C'est à ses yeux une des principales explications de ce qu'elle appelle la "fraude" de Jérôme Kerviel. "Il était très gentil, très disponible et répondait toujours aux sollicitations", a-t-elle dit, rappelant même une anecdote où le trader promettait le Champagne à des employées féminines.

Un échange de courriels lus à l'audience semble en effet montrer que lorsqu'un de ses stratagèmes souvent grossiers faisait problème, et qu'on lui demandait de s'expliquer, Jérôme Kerviel répondait vite, en langage technique, en joignant parfois de fausses explications sous des identités de personnes importantes qu'il usurpait. Et l'incident s'arrêtait là.

D'une manière générale, le dossier lu à l'audience montre aussi que toutes ces personnes, qui travaillaient au même endroit, s'échangeaient frénétiquement des courriels sur le problème Kerviel n'aboutissant finalement à rien.

Le supérieur hiérarchique direct de Jérôme Kerviel a expliqué au premier procès qu'il en recevait des centaines par jour lors de journées de travail interminables s'achevant tard dans la nuit par des entretiens d'embauches - car les banques passent leur temps à tenter de débaucher les meilleurs traders.

Jérôme Kerviel, condamné en première instance à trois ans de prison ferme et au remboursement de tout le préjudice, soutient à ce procès la thèse d'un complot. La banque l'a laissé faire, dit-il, pour lui faire porter le chapeau d'autres pertes liées aux "subprimes". L'accusation n'en croit rien et dénonce l'acte d'un homme seul.

Le procès continue lundi.

Edité par Patrick Vignal