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Police-Justice

L'UE demande des précisions à Paris sur la situation des Roms

Démantèlement d'un camp illégal de Roms à Mons-en-Baroeul, près de Lille, à la fin du mois d'août. La politique d'expulsion des Roms que mène le gouvernement français place l'Union européenne face à un dilemme entre sa volonté de donner davantage de marge

Démantèlement d'un camp illégal de Roms à Mons-en-Baroeul, près de Lille, à la fin du mois d'août. La politique d'expulsion des Roms que mène le gouvernement français place l'Union européenne face à un dilemme entre sa volonté de donner davantage de marge - -

par Justyna Pawlak BRUXELLES (Reuters) - La politique d'expulsion des Roms que mène le gouvernement français place l'Union européenne face à un...

par Justyna Pawlak

BRUXELLES (Reuters) - La politique d'expulsion des Roms que mène le gouvernement français place l'Union européenne face à un dilemme entre sa volonté de donner davantage de marge de manoeuvre aux Etats membres et son souci de protéger les droits d'une population pauvre et marginalisée.

"La Commission demande aux autorités françaises des informations détaillées sur le fait de savoir si et dans quelle mesure les garanties requises ont été appliquées dans des cas récents", écrivent trois commissaires européens - Viviane Reding (Justice), Laszlo Andor (Emploi) et Cecilia Malmström (Affaires intérieures) - dans un rapport confidentiel remis cette semaine.

Au cours du mois dernier, Paris a procédé aux reconduites à la frontière de 979 Roumains et Bulgares et démantelé une centaine de campements illicites. Au total, quelque 9.000 Roms ont été expulsés depuis le début l'année.

Ces reconduites ont suscité une cascade de critiques en France, émanant d'associations de défense des droits de l'homme, de l'Eglise catholique, voire de plusieurs ministres - Bernard Kouchner dit avoir "profondément" songé à démissionner du Quai d'Orsay. De nombreux acteurs du débat public accusent le président Nicolas Sarkozy de pratiquer l'amalgame entre la communauté rom et la criminalité.

Parce que la Roumanie et la Bulgarie sont membres de l'Union européenne, le dossier a des répercussions au niveau du bloc communautaire.

Au cours du mois d'août, bombardée quotidiennement de questions sur la politique française, la Commission européenne a peiné à arrêter sa position. Elle tente à présent de reprendre l'initiative sur une question très sensible inscrite ce jeudi à l'ordre du jour de la commission des affaires intérieures et des libertés civiles du Parlement européen.

POLITIQUE DE L'AUTRUCHE ?

Pour des experts européens, la légalité de ces reconduites à la frontière dépend davantage des conditions dans lesquelles ces Roms sont renvoyés chez eux que de la décision de les renvoyer, même si le gouvernement français devra sans doute démontrer que sa politique de lutte contre la délinquance ne cible pas spécifiquement les Roms.

En tant que citoyens de l'UE, les Roms ont le droit de séjourner dans tout Etat membre pour une durée de trois mois. Au-delà, il leur faut disposer de ressources financières suffisantes et d'une assurance maladie.

Dans leur rapport confidentiel, dont l'agence Reuters s'est procuré une copie, les trois commissaires estiment que la France doit s'assurer au cas par cas que les expulsions sont justifiées et démontrer que les personnes reconduites à la frontière constituaient une menace à l'ordre public ou une "charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale".

Le gouvernement français, qui nie stigmatiser une communauté quelle qu'elle soit, souligne que chaque expulsion procède d'un examen individuel et que "ces retours, dans leur immense majorité, sont des retours volontaires" accompagnés d'une aide financière de 300 euros, plus 100 euros par enfant, précisait le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, le mois dernier.

Mais les commissaires jugent qu'il ne suffit pas à la France d'offrir aux Roms une prime de départ, qui revient, disent-ils, à payer pour suspendre l'application des règles communautaires encadrant la libre circulation des Européens.

Un autre aspect du problème pour la Commission est de déterminer si la politique française respecte l'égalité entre ressortissants européens. Les directives européennes interdisent à un Etat de distinguer un groupe de population sur la base de ses origines ethniques.

Au-delà du cas spécifique que représente la France, la Commission devra aussi se pencher sur la question de l'intégration des Roms dans les sociétés européennes.

"Les Roms sont en train de devenir le visage de l'immigration en Europe", note Andrzej Mirga, conseiller sur les questions liées à cette communauté pour l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

D'après une étude remontant à 2008, un quart des Européens vit avec malaise la présence de Roms dans son voisinage. Pour les autres groupes ethniques, cette proportion chute à 6%.

"Tout le monde tente d'enfouir sa tête dans le sable", analyse Piotr Maciej Kaczynski, du Centre d'études politiques européennes de Bruxelles, qui estime que les responsables politiques cherchent à esquiver une question qui concerne quelque 10 millions de personnes et implique un complexe mélange de pauvreté, d'exclusion sociale et de racisme.

Henri-Pierre André pour le service français