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Police-Justice

L'armée française a le mal de terre

La situation de l'armée de terre en France, confrontée à des effectifs laminés, des crédits rognés et de fermetures de casernes, n'a rien à envier à celle de l'industrie automobile nationale. S'il n'est pas courant de parler pour l'armée de restructuratio

La situation de l'armée de terre en France, confrontée à des effectifs laminés, des crédits rognés et de fermetures de casernes, n'a rien à envier à celle de l'industrie automobile nationale. S'il n'est pas courant de parler pour l'armée de restructuratio - -

Crédits rognés, casernes fermées, effectifs en chute libre : l'armée française va mal. Selon la Cour des comptes, elle en serait au point de ne pas pouvoir assurer correctement certaines de ses missions.

Effectifs laminés, crédits rognés, casernes fermées... La situation de l'armée de terre en France n'a rien à envier à celle de l'industrie automobile nationale. S'il n'est pas courant de parler pour l'armée de restructuration ou de plan social, il s'agit bien d'un problème comparable avec une mutation justifiée par le climat économique. Traditionnelle variable d'ajustement, le budget militaire, désormais aux alentours de 40 milliards d'euros annuels, ne cesse de se réduire au point que, selon une évaluation de la Cour des comptes, l'armée n'a plus les moyens d'assurer convenablement certaines de ses missions opérationnelles. "Non seulement la défense n'est pas une priorité mais, à l'heure où des économies sont recherchées partout, elle est clairement dans le collimateur parce que c'est facile de tailler dans le budget militaire", résume un ancien haut responsable militaire français.

Quatre milliards à trouver

C'est dans l'armée de terre que les craintes sont les plus profondes, parce qu'elle est la plus touchée par les réductions de personnels et la disparition de sites, mais aussi parce que le type de guerre pour laquelle elle est conçue n'a plus la cote auprès des politiques et de l'opinion. "Il y a, sinon un malaise dans l'armée, du moins de réelles inquiétudes, en particulier dans l'armée de terre", poursuit l'ancien cadre. Rien à voir avec l'arrivée de la gauche au pouvoir puisque François Hollande est plutôt plus consensuel que ne l'était Nicolas Sarkozy au début de son quinquennat et que la compétence du nouveau ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est reconnue, ajoute-t-il. Sous la droite ou la gauche, les années se suivent et se ressemblent pour l'armée, avec leur lot de mauvaises nouvelles. Le processus est connu: un "Livre blanc" détermine la stratégie de la France en matière de défense et de sécurité nationale. Il débouche sur une Loi de programmation militaire (LPM) qui fixe des objectifs chiffrés sur une période de cinq ans.

54 000 emplois supprimés entre 2009 et 2014

L'actuelle loi prévoit notamment la suppression de 54 000 emplois entre 2009 et 2014, dont 25 000 pour la seule armée de terre. Malgré tous ces efforts, il pourrait manquer, fin 2013, plus de quatre milliards d'euros pour tenir le rythme, estime la Cour des comptes. Dans un bilan à mi-parcours de la LPM, elle pointe, en dépit de la réduction des effectifs, une augmentation de la masse salariale et réclame une meilleure gestion en la matière, invitant le ministère de la Défense à resserrer un encadrement supérieur pléthorique, vieille maladie jamais soignée.
Aux grands maux les grands remèdes, a suggéré l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard en proposant la suppression de la force de dissuasion nucléaire française, dont le coût annuel est estimé à près de quatre milliards d'euros. Pas question, a répondu François Hollande, de remettre en cause un dogme en fonction duquel est bâti le système de défense national. Il faudra donc trouver de l'argent ailleurs, notamment en réduisant davantage les effectifs de l'armée de terre, qui pourrait passer bientôt sous la barre des 100 000 hommes, soit environ la moitié des effectifs totaux des armées françaises.
Moins riche en soldats, l'armée de terre est aussi de moins en moins présente sur un territoire qu'elle quadrillait naguère soigneusement. Un processus de concentration avec la création de "bases de défense" permettant de mutualiser les moyens de soutien administratif et logistique se traduit par la fermeture de sites militaires et, là encore, c'est l'armée de terre qui est la plus touchée. "L'armée de terre, avec son système régimentaire, reposait depuis des centaines d'années sur ses points d'appui, des entités cohérentes. On a quand même touché au pilier fondateur". Accélérée en 2007 avec la Révision générale des politiques publiques qui prévoyait le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux et poursuivie l'année suivant avec la rédaction d'un nouveau "Livre blanc", la refonte du système de défense de la France a cependant des racines plus anciennes.

Un nouveau Livre blanc

Amorcée en 1991 par François Mitterrand lorsqu'il décida qu'aucun appelé ne serait engagé sur le front de la guerre du Golfe, une véritable révolution est intervenue en 1996 quand Jacques Chirac a annoncé l'abandon du service militaire obligatoire et choisi l'option d'une armée de métier. Ce virage radical, qui a frappé lui aussi en premier lieu l'armée de terre, a privé la France d'un véritable outil d'intégration et de promotion sociale. Seize ans après sa suppression, 62% des personnes interrogées disent d'ailleurs regretter le service national qui contribuait à maintenir un contact étroit entre l'armée et la population.
Les lueurs d'espoir existent pour l'armée française, notamment le fait qu'elle est soutenue par une industrie performante. La crise pourrait également sortir enfin de sa léthargie l'Europe de la défense, moyen logique de dépenser moins par des accords de coopération. La France et le Royaume-Uni pourraient ainsi signer le 24 juillet prochain des contrats d'études pour une nouvelle génération de drones, ces avions militaires sans pilote de plus en plus utilisés sur les théâtres d'opération. Autre signe des temps, deux experts européens, l'un britannique et l'autre allemand, seront associés aux travaux de la commission de rédaction du nouveau "Livre blanc", dont le défi sera de conserver au modèle militaire français sa pertinence tout en réalisant de nouvelles économies.

La Rédaction, avec Reuters