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Police-Justice

L'affaire de l'hormone de croissance en appel, 22 ans après

Le procès en appel d'un scientifique et d'un médecin poursuivis pour la mort de 119 personnes victimes d'une hormone de croissance contaminée dans les années 1980 s'est ouvert lundi à Paris pour deux mois. Comparaissent Fernand Dray, 88 ans, ex-responsabl

Le procès en appel d'un scientifique et d'un médecin poursuivis pour la mort de 119 personnes victimes d'une hormone de croissance contaminée dans les années 1980 s'est ouvert lundi à Paris pour deux mois. Comparaissent Fernand Dray, 88 ans, ex-responsabl - -

Le procès en appel d'un scientifique et d'un médecin poursuivis pour la mort de 119 personnes victimes d'une hormone de croissance contaminée dans les années 1980 s'est ouvert ce lundi à Paris pour deux mois.

Comparaissent Fernand Dray, 88 ans, ex-responsable d'un laboratoire de l'institut Pasteur qui fabriquait l'hormone, et Elisabeth Mugnier, 61 ans, médecin impliqué dans la collecte.
L'hormone, fabriquée à partir de glandes prélevées sur des cadavres, s'était révélée porteuse de l'agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, affection incurable du cerveau.
Le procès de première instance avait abouti à une relaxe générale en janvier 2009, mais le parquet a fait appel. Après plus de vingt ans de procédure, les familles de victimes disent vouloir obtenir des sanctions et une jurisprudence sur les catastrophes médicales et sanitaires.

Me Francis Szpiner, l'avocat des victimes, a déclaré à la presse qu'il voyait l'affaire comme emblématique. "C'est un curieux mal français que de voir dans notre pays des grandes catastrophes où il n'y a jamais de coupables et très peu de responsables. Il s'agit de savoir s'il y a des gens qui ont une impunité, une immunité permanente", a-t-il dit.

Les prévenus sont jugés pour "tromperie aggravée, homicides et blessures involontaires". L'Etat a déjà versé 31 millions d'euros d'indemnités et, en première instance, l'existence d'une faute civile a été aussi reconnue, avec d'autres indemnités à la clé pour les victimes. Comme dans de nombreuses affaires sanitaires, dont le dossier du sang contaminé, l'enjeu de la procédure est donc, non pas la reconnaissance d'une faute, déjà admise, mais la reconnaissance d'un délit pénal.

Montagnier, découvreur du virus du sida, témoignera

Le délit, à la différence de la faute civile, suppose de démontrer que les prévenus ont agi en sachant qu'ils risquaient d'administrer un produit mortel à leurs patients. C'est sur ce point que le tribunal a prononcé la relaxe pénale en première instance, estimant qu'on ne pouvait établir avec certitude que les prévenus connaissaient le risque.

Me Olivier Metzner, avocat du docteur Mugnier, a estimé que le second procès ne pourrait déboucher sur une sanction. "Il n'y a aucune preuve que les médecins, à l'époque, pouvaient connaître le caractère mortifère de l'hormone de croissance. Notre position restera la même. En aucun cas, les médecins n'ont voulu porter atteinte à l'intégrité physique", a-t-il dit aux journalistes.

L'hormone, fabriquée à partir d'hypophyses prélevées sur des cadavres et administrée de 1980 à 1988 à 1.698 enfants, soignait des troubles de croissance. Deux des prévenus jugés en première instance sont morts depuis le premier procès, Jean-Claude Job, ex-président de l'association France Hypophyse, et Marc Mollet, ancien responsable de la Pharmacie centrale des hôpitaux, distributrice de l'hormone. L'instruction a montré que les hypophyses - glandes crâniennes - étaient prélevées sur des cadavres sans contrôle, sans hygiène et sans sélection en France, en Bulgarie et en Hongrie jusqu'en 1988. On est ensuite passé à des produits synthétiques.

Le professeur Luc Montagnier, futur découvreur du virus du sida, avait alerté les animateurs de la filière des hormones de croissance dès 1980 sur les risques "théoriques", sans cependant recommander la fin des traitements. Plusieurs autres spécialistes, dont le prix Nobel américain Stanley Prusiner, ont déclaré à la première audience qu'il était impossible de penser à ce risque dans les années 1980. Ces témoins, dont Luc Montagnier, sont à nouveau convoqués en appel.

Une solution juridique pourrait être que la cour d'appel impute un délit de "tromperie" aux prévenus, qui a été écarté en première instance au motif qu'il n'existait pas selon le tribunal de relation contractuelle entre les patients et l'Institut Pasteur.