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Police-Justice

L'affaire Bourgi pourrait sonner le glas de la "Françafrique"

La "Françafrique", l'un des aspects les moins glorieux de la diplomatie française depuis des décennies, pourrait ne pas résister aux déclarations de l'un de ses derniers piliers, Robert Bourgi (photo). Homme de l'ombre désormais en pleine lumière, l'avoca

La "Françafrique", l'un des aspects les moins glorieux de la diplomatie française depuis des décennies, pourrait ne pas résister aux déclarations de l'un de ses derniers piliers, Robert Bourgi (photo). Homme de l'ombre désormais en pleine lumière, l'avoca - -

PARIS (Reuters) - La "Françafrique", l'un des aspects les moins glorieux de la diplomatie française depuis des décennies, pourrait ne pas résister...

PARIS (Reuters) - La "Françafrique", l'un des aspects les moins glorieux de la diplomatie française depuis des décennies, pourrait ne pas résister aux déclarations de l'un de ses derniers piliers, Robert Bourgi.

Homme de l'ombre désormais en pleine lumière, l'avocat à l'origine du scandale est considéré comme le dernier grand acteur d'un système de relations privilégiées entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique noire reposant sur des réseaux d'influence. (voir le portrait de Bourgi )

Longtemps inspirée par Jacques Foccart, le "M. Afrique" du gaullisme dont Robert Bourgi est l'héritier, la "Françafrique" avait pour but principal de permettre à la France de demeurer influente politiquement et économiquement sur le continent africain après les indépendances.

Si elles sont avérées, les révélations de Robert Bourgi, qui affirme que les plus hauts personnages de l'exécutif français ont bénéficié de versements occultes s'élevant à des dizaines de millions de dollars de la part de chefs d'Etat africains, offrent de ce système un résumé saisissant.

Pour Jean-Marie Bockel, écarté en 2008 du poste de secrétaire d'Etat à la Coopération après avoir mécontenté plusieurs chefs d'Etat africains par ses positions critiques envers un système auquel Nicolas Sarkozy avait pourtant dit vouloir mettre fin, l'affaire Bourgi porte à la "Françafrique" un coup redoutable.

"Aujourd'hui, on le voit bien, ce système est en train de se fissurer", a-t-il dit sur France Inter. "Il y a une page qui est en train de se tourner. La Françafrique, dans tous ses aspects, y compris celui-là, ça n'est pas fini, je ne suis pas naïf, mais la Françafrique est en train de trembler sur ses bases."

L'opposition a réagi au scandale en dénonçant les pratiques évoquées par Robert Bourgi et en réclamant que la justice, ou au moins une commission d'enquête parlementaire, s'empare de l'affaire.

"Il y a un système qui a organisé l'impunité de la diplomatie secrète et parallèle et des relations avec l'étranger depuis maintenant 20 ans, sans aucune limitation", a déclaré Arnaud Montebourg, candidat à la primaire socialiste pour la présidentielle.

"Cette impunité a permis que de telles pratiques puissent perdurer sans aucune conséquence pour les intéressés", a-t-il ajouté sur RMC. "C'est ce que j'appelle l'impunité de la Ve République."

"FARIBOLES ET ÉCRANS DE FUMÉE"

Robert Bourgi a d'abord mis en cause Jacques Chirac et Dominique de Villepin avant d'affirmer que les versements occultes remontaient aux années 1960. L'avocat a également dit que la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen en 1988 avait été financée par l'ancien président du Gabon Omar Bongo.

Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Jean-Marie Le Pen ont tous annoncé leur intention de porter plainte pour diffamation.

Dominique de Villepin, qui a rejeté les accusations de Robert Bourgi comme des "fariboles et écrans de fumée", a souligné qu'elles intervenaient "à un moment très particulier".

L'ancien Premier ministre faisait ainsi référence à l'actuel procès de Jacques Chirac dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris et à la décision, attendue mercredi, de la cour d'appel dans l'affaire Clearstream, dans laquelle 15 mois de prison avec sursis ont été requis contre Dominique de Villepin.

La gauche s'interroge elle aussi sur le rôle de Nicolas Sarkozy dans cette affaire, notamment sur le fait qu'il ait, au mieux, laissé faire.

"Soit M. Bourgi ment et il ment sur tout, soit il dit la vérité et dans ce cas, on a un problème avec l'absence de réaction à l'époque de M. Sarkozy", a dit mardi Alain Vidalies, porte-parole du groupe socialiste de l'Assemblée.

L'affaire n'est pas terminée. Mercredi sortira en librairie le livre de Pierre Péan, "La République des mallettes", qui affirme que Dominique de Villepin a reçu une vingtaine de millions de dollars de chefs d'Etat africains entre 1992 et 2005.

Robert Bourgi affirme que Nicolas Sarkozy n'était mêlé en rien à ces versements. Dans son livre, Pierre Péan cite pourtant un conseiller de Jacques Chirac qui affirme que l'avocat a déposé avant 2007 une mallette aux pieds de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. L'Elysée a refusé de commenter cette information.

Patrick Vignal, avec Emile Picy, édité par Yves Clarisse