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Police-Justice

Journaliste de guerre, un métier de plus en plus risqué

Un reporter de l'AFP tente d'échapper aux balles entre l'armée syrienne et les rebelles à Maalula, le 18 septembre dernier.

Un reporter de l'AFP tente d'échapper aux balles entre l'armée syrienne et les rebelles à Maalula, le 18 septembre dernier. - -

L'assassinat samedi de deux journalistes français de RFI qui venaient d'être enlevés au Nord du Mali met en lumière une profession de plus en plus dangereuse, et pourtant nécessaire.

Les deux journalistes français de RFI enlevés et assassinés samedi au Mali viennent gonfler la liste déjà longue des reporters tués cette année, après un chiffre record en 2012, révélateur des difficultés croissantes à exercer ce métier dans les zones à risques.

"Les journalistes doivent se rendre là où ils le veulent. C'est un principe qui doit être absolu. Parce que si quelqu'un décide à leur place, alors cela limitera sérieusement la liberté de l'information. C'est déjà grave d'enlever des journalistes qui ne sont pas partie prenante dans un conflit; c'est encore plus glaçant qu'on les exécute", a réagi sur BFMTV Christophe Deloire, président de RSF, Reporters sans Frontières.

Après un chiffre record de 88 journalistes tués l'an dernier dans le monde, les pertes dans les rangs de la profession ne semblent pas vouloir ralentir. Avec la guerre civile en Syrie, les milices en Somalie et les représailles des talibans au Pakistan, "2012 a été l'année la plus meurtrière pour la profession depuis que nous avons commencé notre décompte annuel, en 1995", a rappelé Christophe Deloire.

Les enlèvements, la hantise des reporters

Quant aux enlèvements, en hausse, ils sont désormais la hantise principale de nombreux reporters. Au moins 16 journalistes étrangers, dont 4 Français, sont portés disparus d'après RSF, sans compter les nombreux cas de ceux sur lesquels les proches préfèrent garder le silence. Face à la multiplication des risques, de nombreux reporters jugent aujourd'hui le conflit syrien trop dangereux à couvrir.

Au-delà de ce périlleux terrain, les conditions d'exercice du métier de journaliste en zones troublées n'ont cessé de se détériorer, estime Florence Aubenas, grand reporter et présidente du comité de soutien aux journalistes français retenus en Syrie.

"Quand j'ai commencé le grand reportage, dans le Nord-Kivu en 1994, être journaliste procurait une sorte de protection. Les gens comprenaient que nous n'étions pas belligérants. On écrivait joyeusement 'presse' à la peinture sur notre voiture. Aujourd'hui, plus personne ne le fait. Cela ne vous protège plus, au contraire; cette différence à 20 ans d'écart me frappe beaucoup."

Une image dégradée

En cause : la manière dont sont perçus les journalistes a évolué dans les terrains hostiles. "Auparavant, les journalistes internationaux étaient vus comme témoins neutres, extraits du conflit. On a perdu ce respect en partie. On nous voit comme des témoins engagés", juge-t-elle.

"En Syrie, c'est très frappant. Quand j'y étais il y a un an et demi, on était protégés par les gens qui nous accueillaient. Mais petit à petit, notre image s'est dégradée, les Syriens se sont mis à nous dire "vous ne faites rien pour nous"", allusion à l'attentisme des puissances occidentales face au régime de Bachar al-Assad. La montée en puissance des violences visant les journalistes "doit nous inciter à réfléchir sur notre manière de travailler", conclut Florence Aubenas.

A. G. avec AFP