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Jour de scrutin à Toulouse, un mois après l'affaire Merah

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Si la plupart des habitants assurent n'avoir pas voté en fonction de l'affaire Merah, certains soulignent que les tueries, ou bien la "récupération" politique qui ont suivi, ont sans doute influé sur l'état d'esprit des électeurs de la Côte-Pavée, ce quartier résidentiel de l'est toulousain où résidait le tueur.

"Oh regarde Maman, c'est des clowns !", s'écrie l'enfant, doigt pointé vers les affiches électorales où une main farceuse a collé un nez rouge sur chacun des candidats à la présidentielle.

À l'école Armand-Leygue, située à environ 500 mètres de l'ancien appartement de Mohamed Merah, les électeurs défilent dans l'isoloir, un mois jour pour jour après la mort de celui qui a revendiqué au nom d'Al Qaïda l'assassinat de sept personnes à Toulouse et Montauban.

Si la plupart des habitants assurent n'avoir pas voté en fonction de l'affaire Merah, certains soulignent que les tueries, ou bien la "récupération" politique qui ont suivi, ont sans doute influé sur l'état d'esprit des électeurs de la Côte-Pavée, ce quartier résidentiel de l'est toulousain où résidait le tueur.

"C'est un quartier de personnes âgées et beaucoup me disent qu'elles ont peur", raconte Jean, ancien enseignant de 78 ans, les sourcils broussailleux sous la casquette à carreaux.

Il estime que le camp Sarkozy a tenté de mettre à profit ces événements en pleine campagne électorale, même si à ses yeux, le président-candidat n'y est pas parvenu.

"Ils voulaient (les) récupérer mais ça n'a pas été récupéré", sourit le retraité, évoquant un "flop".

Même constat pour Aude, musicienne de 33 ans, qui dit avoir voté "pour l'alternance": "On a bien vu les réactions lorsqu'il y a eu les coups de filet dans les milieux islamistes, c'était sans doute un peu lié", note-t-elle. "Il leur fallait montrer qu'ils avaient les affaires en main."

Sur le gravier de la cour d'école s'avance Jean-Luc Moudenc, ancien maire UMP de Toulouse et chef de l'opposition municipale, qui déclare ne pas croire à un "changement de vote" lié à l'affaire Merah:

"Il suffira de comparer ce soir les résultats du quartier avec les tendances nationales. Ma suppléante connaît bien le quartier vu qu'elle y habite, les gens votent avec leurs convictions", souligne-t-il.

"GENS CHOQUÉS"

Mais Djéry, Malien d'origine et fraîchement naturalisé, évoque des "gens choqués" et parle d'une minorité de riverains "dont le regard a changé".

"Attention, la plupart font la différence, c'est vraiment une minorité", nuance aussitôt cet informaticien de 27 ans. "Ç'aurait été pire s'il y avait eu un mouvement derrière (Merah). Là, les gens se sont dit: 'C'est un détraqué de plus' et ils n'ont pas fait d'amalgame."

Pour son premier scrutin en tant que citoyen français, Djéry dit avoir voté "plutôt à gauche" et déplore que la campagne se soit centrée sur des thèmes trop éloignées de la crise économique, comme la viande halal et le permis de conduire.

Beaucoup de retraités et de familles se succèdent au bureau de vote, dans un quartier qui penche plutôt à droite. Au premier tour de la présidentielle en 2007, Nicolas Sarkozy avait obtenu 32,9% des voix dans le secteur Toulouse VIII, auquel appartient la Côte-Pavée, contre seulement 26,7% sur l'ensemble du département de la Haute-Garonne.

Frédéric, venu voter avec sa compagne, ses deux enfants et son chien Apollo, a glissé un bulletin blanc dans l'urne "pour la première fois de (sa) vie".

"Il me manquait le bon candidat, celui de la nouveauté", explique ce conseiller fiscal de 37 ans, petites lunettes et sweat à capuche turquoise.

Pour lui, l'affaire Merah aurait mérité davantage de retenue de la part du pouvoir.

"En période électorale, ils auraient pu être un peu plus discrets", soupire-t-il.

Edité par Patrick Vignal