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Police-Justice

Jean-Marie Messier plaide la "bonne foi" sur son parachuté doré

Jugé pour le "parachute doré" de 20,5 millions d'euros qu'il a vainement tenté d'obtenir à son départ de Vivendi-Universal en 2002, Jean-Marie Messier a protesté jeudi de sa bonne foi et mis en avant son honneur. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

Jugé pour le "parachute doré" de 20,5 millions d'euros qu'il a vainement tenté d'obtenir à son départ de Vivendi-Universal en 2002, Jean-Marie Messier a protesté jeudi de sa bonne foi et mis en avant son honneur. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau - -

par Thierry Lévêque PARIS - Jugé pour le "parachute doré" de 20,5 millions d'euros qu'il a vainement tenté d'obtenir à son départ de...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Jugé pour le "parachute doré" de 20,5 millions d'euros qu'il a vainement tenté d'obtenir à son départ de Vivendi-Universal en 2002, Jean-Marie Messier a protesté jeudi de sa bonne foi et mis en avant son honneur.

Cet épisode de la déconfiture de Vivendi et de son patron avait révélé au grand public une pratique des dirigeants de grandes sociétés importée des Etats-Unis, qui consiste à partir après un échec avec de fortes indemnités.

"Je connais la sensibilité émotionnelle et médiatique (...) quand on aborde ce sujet, parce qu'on parle de quantités énormes d'argent. La question est importante pour mon honneur. J'ai agi de bonne foi", a dit l'ancien patron au deuxième jour de son procès au tribunal correctionnel de Paris.

Jean-Marie Messier, jugé sur ce point pour abus de biens sociaux, se voit reprocher un accord signé avec le directeur général de la société, son ami Eric Licoys, alors que les administrateurs de Vivendi le poussaient contre son gré vers la sortie pour sauver le groupe étranglé par 30 milliards d'euros de dettes, après une croissance frénétique.

Cet accord prévoyait un versement de 20,5 millions d'euros, le financement pour cinq ans d'une assurance maladie, vie et invalidité, la mise à disposition d'un collaborateur pour deux ans et le financement de gardes du corps pendant un an.

Révélé par la presse, l'accord avait fait scandale et, après une bataille juridique, n'avait jamais été honoré.

A la barre du tribunal, Jean-Marie Messier a expliqué que les administrateurs français de sa société, Henri Lachmann et Jacques Friedmann, avaient arraché de sa part fin juin 2002 une promesse de démission en échange d'indemnités "honorables".

"J'ai suivi de bonne foi le processus qui m'a été proposé par les administrateurs", a-t-il assuré.

"PITIÉ, JE VEUX PARTIR"

L'ancien grand patron a été mis dans l'embarras lorsque le président a lu des dépositions contredisant cette version et des courriers figurant au dossier où Jean-Marie Messier négociait les conditions de son "parachute doré".

Dans l'un d'entre eux, il demandait, outre l'argent, que la société promette de poursuivre les procès contre le journal Le Monde, ne réintègre jamais l'ancien patron de Canal+ Pierre Lescure qu'il avait fait partir et l'autorise à s'impliquer dans un film d'Universal sur les attentats du 11 septembre 2001.

"C'est une liste à la Prévert et ça a un côté pathétique", a reconnu à la barre Jean-Marie Messier.

Le conseil d'administration n'ayant finalement pas approuvé ses demandes financières, Jean-Marie Messier a aussi envoyé un courriel de supplication à certains de ses membres.

"Vous savez à quelles pressions, indignités personnelles j'ai été soumis depuis six mois. Pitié, je veux partir, essayez d'oublier, en tous cas m'éloigner, respectez votre parole, votre signature. Pitié", a-t-il écrit dans ce texte lu à l'audience.

"C'est la lettre de quelqu'un qui est paumé", a commenté le prévenu.

Un avocat des petits actionnaires, qui réclament 10 millions de dommages et intérêts, lui a lancé, sans obtenir de réponse : "Vous avez parlé d'honneur, mais l'honneur pour un patron n'est-il pas de quitter une société avec rien ?".

Le procureur Chantal de Leiris s'est levée plusieurs fois pour prendre la défense du prévenu en soulignant ce qu'elle a présenté comme les fragilités juridiques du dossier, attitude inhabituelle pour l'accusation.

Le parquet avait en effet requis un non-lieu en fin d'enquête, et Jean-Marie Messier n'est jugé que parce qu'un juge d'instruction, Jean-Marie d'Huy, n'a pas suivi son avis.

Même si Jean-Marie Messier n'a pas finalement touché son "parachute", il y a eu préjudice, a dit le juge d'instruction puisque la société, alors en grande difficulté, a dû placer le montant du parachute sous séquestre et verser des millions de dollars pour les frais de la procédure judiciaire qui l'a opposée à son ancien dirigeant.

Poursuivi pour "diffusion d'information fausse ou trompeuse, manipulation de cours et abus de biens sociaux", l'ex-dirigeant de 53 ans encourt en théorie jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende dans ce procès qui durera un mois.

Thierry Lévêque