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Police-Justice

Jean-Marie Messier jugé en France pour sa gestion de Vivendi

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par Thierry Lévêque PARIS - Patron emblématique des années 1990 en France, Jean-Marie Messier est jugé à partir de mercredi pour la gestion de...

par Thierry Lévêque

PARIS (Reuters) - Jean-Marie Messier, patron français emblématique des années 1990 jugé après la déconfiture de son ex-société Vivendi Universal en 2002, a reconnu mercredi à son procès avoir été arrogant, provocateur et avoir commis des erreurs stratégiques.

Poursuivi pour "diffusion d'information fausse ou trompeuse, manipulation de cours et abus de biens sociaux", l'ex-dirigeant de 53 ans encourt en théorie jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende dans ce procès qui durera un mois devant le tribunal correctionnel de Paris.

Il a expliqué que la constitution d'un groupe mondial basé sur l'idée d'une future convergence entre les instruments de communication et les contenus était bonne mais précoce compte tenu des performances alors limitées du téléchargement.

"Est-ce que nous avons fait des erreurs ? Oui, comme président je les assume, notamment un manque d'anticipation", a-t-il dit.

"On a beaucoup parlé de mon excès de communication. Il était passé du stade de l'excès à celui de la provocation (...) On peut être fier sans être arrogant. A l'époque, j'ai donné l'image de l'arrogance et pas celle de la fierté", a-t-il ajouté, la voix étranglée par l'émotion.

GÉANT DE LA COMMUNICATION

Jean-Marie Messier a déclaré au tribunal 25.000 euros de revenus mensuels dans la société de consultants qu'il a créée en 2003 aux Etats-Unis, où il emploie une vingtaine de personnes.

Les plaignants, des petits actionnaires qui réclament 10 millions d'euros de dommages et intérêts, expliquent que l'affaire doit servir d'exemple pour les dirigeants.

Par une frénésie d'acquisitions financées à crédit, Jean-Marie Messier avait transformé entre 1996 et 2002 la petite Compagnie générale des eaux en éphémère géant mondial de la communication pesant 50 milliards d'euros, avec notamment le rachat de Canal+ et du groupe canadien Seagram qui contrôlait le légendaire studio de cinéma Universal.

La médiatisation extrême de cet énarque et polytechnicien passé auparavant par le cabinet d'Edouard Balladur au ministère de l'Economie suscitait l'ironie. Il a même fini par reprendre à son compte le sobriquet de "J6M" ("Jean-Marie, Moi-Même-Maître-Du-Monde"), moquant sa supposée mégalomanie.

Il a été chassé par les actionnaires en 2002 sur fond de déroute financière provoquée par l'endettement.

Jean-Marie Messier n'est pas mis en cause pour ses décisions stratégiques, qu'il a défendues devant le tribunal, expliquant qu'il est "plus difficile de décider que d'être lucide rétrospectivement".

Il est accusé d'avoir dissimulé la catastrophe dans sa communication, manipulé le cours de l'action de sa société en faisant racheter massivement par le groupe ses propres titres en 2001, et aussi d'avoir tenté de se faire octroyer un "parachute doré" de 20 millions d'euros.

RELAXÉ AUX ÉTATS-UNIS

Quatre autres ex-dirigeants du groupe, dont son ancien bras droit Guillaume Hannezo, 49 ans, et deux autres personnes seront jugés, dont le Canadien Edgar Bronfman Jr, 55 ans, directeur général de Warner Music et vice-président du conseil d'administration de Vivendi au moment des faits.

Ce dernier comparaît pour délit d'initié, pour des ventes de titres massives en janvier 2002 lui ayant rapporté près de 13 millions de dollars. Son avocat se dit "confiant".

Partie civile au procès de Paris, la société Vivendi a pourtant été condamnée en janvier dernier dans un autre procès sur faits d'information fausse aux Etats-Unis, tenu à la suite d'une procédure en nom collectif ("class action"). Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo ont en revanche été relaxés.

Vivendi, qui a fait appel, a déjà dépensé 250 millions d'euros dans ce cadre et a provisionné 550 autres millions d'euros pour une éventuelle condamnation définitive.

En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a sanctionné Vivendi et Jean-Marie Messier de la même amende de 500.000 euros. L'autorité américaine de régulation des marchés a frappé en 2008 Vivendi d'une amende de 48 millions de dollars.

Le procès doit se poursuivre jeudi.

Edité par Véronique Tison