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Police-Justice

"Je ne sais pas ce qui s'est passé": un automobiliste de 68 ans condamné pour l'agression d'un homme aveugle

L'automobiliste était jugé par la 16e chambre du tribunal correctionnel de Pari.

L'automobiliste était jugé par la 16e chambre du tribunal correctionnel de Pari. - AFP

Un homme de 68 ans était jugé ce mardi après-midi au tribunal correctionnel de Paris pour avoir agressé un homme aveugle et son accompagnateur dans une rue de Paris en juin dernier. Le prévenu, qui a exprimé ses regrets, a été condamné à plusieurs amendes et à verser des dommages et intérêts aux victimes.

"Je me suis mis en colère et c'est la catastrophe". Tout au long de son audition par le tribunal correctionnel de Paris, l'automobiliste de 68 ans a bien eu du mal à justifier les violences qui ont fait le tour des réseaux sociaux au mois de juin dernier et qui expliquent sa présence ce mardi devant la justice. Le 16 juin dernier, il a été filmé en train de frapper Pascal et Patrick S., un homme aveugle et son frère, à qui il venait de refuser le passage alors qu'ils étaient engagés sur un passage piéton.

Pour tenter de comprendre la scène, la présidente de cette 16e chambre du tribunal correctionnel a dû s'y reprendre à plusieurs reprises pour obtenir un récit "objectif, concret" des faits. Ce jour-là, Celso M. venait de déposer son fils et son petit-fils dans le XIIe arrondissement quand il a aperçu les deux frères sur le passage piéton. "Je pensais que j'avais le temps de passer, il a frappé à l'arrière de ma voiture, ma femme est devenue nerveuse, je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans ma tête", relate le retraité d'origine espagnole installé en France depuis 43 ans, reconnaissant son refus de céder le passage.

"Je me suis mal comporté"

Devant le tribunal, Celso M., jugé pour "violences sur personne vulnérable" et "violences volontaires n'ayant pas entraîné d'ITT", l'admet: il voulait donner une paire de claque à celui qui a donné un coup sur le capot de son véhicule.

Quatre claques au total ont été assénées à Patrick S. par Celso M., après avoir stoppé sa voiture et en être sorti pour se diriger vers les deux hommes. "Je lui ai dit 'pourquoi vous avez frappé sur mon véhicule', je ne sais pas si le Monsieur m'a dit 'con' ou 'piéton' mais je me suis mis en colère et c'est la catastrophe", raconte l'homme assisté d'une traductrice. S'était-il rendu compte que Pascal était aveugle? "Je ne me souviens pas", répond-il, plaintif.

"Je me suis très mal comporté, je ne sais pas ce qu'il s'est passé", poursuit l'homme de 68 ans, sans histoire, assurant avoir agi en réaction à la peur de sa femme.

La femme de Celso M. est d'ailleurs intervenue au moment des faits, tentant de contrôler son mari. "Je n'ai pas eu le sentiment que son intervention a eu un effet immédiat", tranche Pascal face au tribunal. Lui aussi a été menacé par l'automobiliste. Immobile aux côtés de son frère, il l'entend se faire frapper. "J'ai le sentiment qu'il s'approche de moi, il ne me touche pas, je l'entends clairement me dire 'enlève tes lunettes'", relate l'homme aveugle, porteur de lunettes et tenant une canne blanche. Pascal S. dit alors avoir eu "un léger recul" ne sachant même plus s'il était toujours sur la chaussée ou s'il avait regagné le trottoir.

"C'est la première fois qu'on a quelqu'un de violent"

"La voiture roulait lentement, je me suis dit 'chouette, quelqu'un qui nous laisse passer'", raconte avec ironie son frère et son guide Patrick. Il reconnait volontiers avoir recours souvent à ce genre de geste d'énervement en tapent sur le toit de la voiture, une réaction qu'il va arrêter, sourit-il. "On a déjà eu des incivilités mais c'est la première fois qu'on a quelqu'un de violent." "Je ne veux pas en faire un agneau sacrificiel, cette affaire c'est l'illustration de la loi de la jungle", estime d'ailleurs l'avocat de l'Union nationale des aveugles et déficients visuels.

"Vous êtes lâche, je ne trouve aucune lumière chez vous, abonde Me Georges Parastatis. "Vous êtes lâche de vouloir fuir les explications. Vous dites que vous n'avez pas vu que la victime était aveugle, soit vous mentez, soit vous êtes vous même aveugle."

Condamné à plusieurs amendes

Le procureur de Paris estime lui aussi que l'automobiliste ne pouvait ignorer que Pascal S. était aveugle, alors qu'il tenait dans ses mains sa canne blanche, "symbole universel" de la cécité. Un élément dénoncé par Me Fornacciari, l'avocate du conducteur, qui rappelle que son client avait certes l'intention de frapper l'homme aveugle, mais s'est "désisté" de lui-même en se rendant compte de son handicap, un élément qui ne permet donc pas de caractériser, pour elle, les violences sur personne vulnérable.

"Vous pensez que Monsieur n'a pas déjà assez souffert", scande l'avocate, parlant des messages d'insultes qu'il a reçu, des appels intempestifs ou encore de cette garde à vue prolongée, ou de son annulation de permis depuis un mois.

Au final, l'Espagnol de 68 ans a été condamné à 2.000 euros d'amende dont 1.000 avec sursis et 18 mois de suspension de permis, pour "violences volontaires sur personne vulnérable" ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de quatre jours. Il a également écopé de deux amendes, de 750 euros pour violences sans ITT sur le frère de Pascal, et 250 euros pour le refus de priorité. Il devra enfin verser 1.800 euros de dommages et intérêts à Pascal, 1.500 à son frère et 1.000 euros à chacun, au titre des frais de justice.

Justine Chevalier