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"Ils l'ont lynché": 3 ans après la mort de Philippe Monguillot, chauffeur de bus à Bayonne, l'heure du procès

Deux jeunes hommes de 25 ans sont jugés à partir de ce vendredi par la cour d'assises de Pau après la mort d'un chaffeur de bus à Bayonne en juillet 2020.

Il est 19 heures passées de quelques minutes ce 5 juillet 2020 quand le chauffeur du trambus stoppe son véhicule à l'arrêt Balishon, à quelques mètres des arènes de Bayonne. Philippe Monguillot, professionnel de 59 ans, est agacé par ce groupe de quatre jeunes montés à l'arrière et leur fait savoir. Il s'assure qu'ils aient un titre de transport, leur demande de porter leur masque. En pleine période de Covid-19, c'est obligatoire. Le ton monte, les premières insultes se font entendre, puis les coups... jusqu'à la mort du conducteur.

Une simple bagarre qui dégénère? Une volonté délibérée de tuer Philippe Monguillot? D'abord mis en examen pour "meurtre aggravé", deux des quatre individus, Wyssem M. et Maxime G. sont jugés à partir de ce vendredi par la cour d'assises de Pau pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Un troisième accusé comparaît pour avoir aidé ces deux derniers à se soustraire à leur interpellation en leur fournissant un logement. Une maigre consolation pour la famille de la victime qui souhaitait que les accusés soient jugés pour meurtre.

Une première altercation

Ce soir du 5 juillet 2020, Philippe Monguillot s'apprête à terminer son service quand il stoppe son bus arrêt Balishon. Il ne reste au conducteur, qui aspire à la retraite qu'il doit prendre dans les mois prochains, que quelques arrêts avant de rentrer au dépôt. Il échange d'ailleurs quelques SMS avec son épouse Véronique avec laquelle il évoque des projets. "Je l'ai attendu ce soir-là, il n'est jamais venu", souffle-t-elle sur BFMTV.

A l'arrière du véhicule, les quatre jeunes, montés à l'arrêt de la gare de Bayonne, ironisent sur sa conduite. Le chauffeur semble, en effet, nerveux, selon les témoins. Il a touché un trottoir, est passé rapidement sur un ralentisseur. Philippe Monguillot est en effet "perturbé", comme le dira un de ses collègues. Plus tôt dans la journée, il a eu maille à partir avec deux des quatre passagers.

Quelques heures plus tôt, peu après 14 heures, au même arrêt, Wyssem M. et Maxime G. monte dans le trambus. Moins d'une minute plus tard, Philippe Monguillot en descend, se dirige à l'arrière de son véhicule. Ils intiment à ces deux passagers de prendre un ticket valide. Un témoin relate les paroles insolentes, outrageantes des deux jeunes. Quelques instants plus tard, ils s'exécutent, assistés du conducteur, ils prennent un billet à la borne automatique. "Les images ne montrent aucune agressivité de part et d'autre", notent les enquêteurs.

"On va te démonter"

Pourtant, un collègue de Philippe Monguillot, à qui il raconte la scène et évoqué des "propos violents", le sent "perturbé". "Cet épisode n'a rien d'anodin, il est le point de départ de cette journée fatale, estime Me Alexandre Novion, l'avocat de la famille Monguillot. C'est la première confrontation du chauffeur avec les jeunes qui vont lui donner la mort quelques heures plus tard. Pour les accusés, cela permet de tester la patience, le professionalisme et l'humanité de Philippe Monguillot. Il aurait tout simplement pu fermer les portes du bus. Mais s'il sort, il n'hésitera pas à le refaire."

Il est 19h07 ce jour-là, quand le conducteur quitte son siège pour aller à la rencontre de Wyssem M., chevelure rouge, vêtu intégralement de noir, Maxime G., polo blanc, cheveux longs ramassés en queue de cheval sous une casquette, et deux autres jeunes qui les accompagnent. Ils font le trajet inverse à celui du début d'après-midi. Ils reconnaissent d'ailleurs le chauffeur. Visé par leurs provocations, Philippe Monguillot leur reproche de ne pas porter leur masque, leur demande de sortir du bus. "On va te démonter dehors", lui lancent-ils, avec agressivité. Puis le chauffeur donne un coup de tête à Wyssem M.

"Ils vont manifester une agressivité, ils sont de plus en plus agités, est-ce que Philippe Monguillot n'a pas donné ce coup dans un réflexe de panique? Est-ce qu'il n'a pas saisi un geste qui a pu lui faire croire que sa vie était en danger?", s'interroge Me Novion, balayant les arguments de la défense, qui mettent en avant que le premier coup a été donné par la victime. Contactés, les avocats des accusés n'ont pas donné suite.

Coup de poing fatal

Le reste de la scène est capté par les caméras de vidéosurveillance et décrit par les nombreux témoins présents, incapables de réagir face à la violence qui va se produire. Philippe Monguillot est poussé hors du trambus, il reçoit des coups de poing, tombe au sol. Là, Wyssem M. et Maxime G. ont été identifiés comme donnant des coups de pied au ventre mais surtout au visage du conducteur. Un des témoins évoquera des coups similaires à "un shoot dans un ballon de football" donnés par le second agresseur. Le premier "n'arrivait pas à s'arrêter", dira un autre passager assistant à l'agression.

Malgré ce déferlement de violences, Philippe Monguillot réussit à se relever, il tente de se réfugier dans son bus. "Avec un pas d'élan, Wyssem M. arme son bras droit et administre un crochet ample dans le visage de la victime, qui n'a pas le temps de réagir", notent les enquêteurs. "On va te finir, on va te finir", hurle-t-il. Maxime G. tente bien de s'interposer, en vain. Le chauffeur tombe en arrière de tout son poids. Les témoins décrivent "un gros choc indescriptible, comme si quelque chose venait de se fracasser". Il s'agira du coup fatal. En état de mort cérébrale, le conducteur de 59 ans décèdera cinq jours plus tard, le 10 juillet 2020.

"Philippe Monguillot n'a pas reculé, donc ils l'ont lynché, plaide Me Alexandre Novion. Il a osé se mettre en travers de leur liberté sans contrainte. Ce drame éclaire sur notre époque dans laquelle il y a une allergie à l'autorité."

"Je ne m'attends à rien"

Wyssem M. et Maxime G. auront à répondre de "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", en état de récidive, et encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Ils s'expliqueront devant une cour d'assises composée d'un jury populaire. Au terme de l'information judiciaire, le juge d'instruction les avait renvoyés devant une cour criminelle départementale. Le parquet et la famille de la victime avaient fait appel, obtenant que les accusés comparaissent devant cette cour d'assises.

Lors de l'instruction, les juges ont bien tenté de comprendre les mécanismes poussant à une telle violence. "Dans ma tête, je me suis dit: termine le, expliquera lors de sa garde à vue Wyssem M. Je suis quelqu'un d'impulsif." Le jeune homme, aujourd'hui âgé de 25 ans, dénonçait alors l'attitude du chauffeur à son égard. "Comment je peux m’attendre à avoir des excuses, des pardons, je ne m’attends à rien", a témoigné la veuve de Philippe Monguillot sur BFMTV.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV