BFMTV
Police-Justice

"Il voulait changer les choses par l'action ordinaire": la sœur de Samuel Paty lui rend hommage

Un portrait de Samuel Paty est affiché sur la façade de l'Opéra Comédie de Montpellier le 21 octobre 2020 à l'occasion de l'hommage national au professeur assassiné

Un portrait de Samuel Paty est affiché sur la façade de l'Opéra Comédie de Montpellier le 21 octobre 2020 à l'occasion de l'hommage national au professeur assassiné - Pascal GUYOT © 2019 AFP

Le 16 octobre, un an se sera écoulé depuis l'assassinat du professeur d'histoire-géographie à la sortie de son collège des Yvelines, des mains d'un terroriste islamiste. Ce lundi, le journal La Croix a publié le témoignage de sa soeur, Gaëlle. Elle brosse le portrait d'un homme curieux du monde et attaché à sa mission d'enseignant.

Samedi, un an aura passé depuis qu'un terroriste islamiste a assassiné Samuel Paty. C'était un vendredi soir et le professeur d'histoire-géographie sortait du collège du Bois-d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, où il enseignait. Son assassin l'a décapité pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression. Son crime a succédé à des jours de harcèlement contre le professeur.

Douze mois plus tard, la sidération qui a alors saisi le pays ne s'est pas tout à fait dissipée et un hommage sera rendu à Samuel Paty vendredi dans les établissements scolaires. En prélude, dès ce lundi, le journal La Croix a voulu éclairer d'un jour nouveau le souvenir du défunt, en publiant un entretien avec sa soeur, Gaëlle Paty, jusqu'ici silencieuse.

"Il y a des choses qu'on ne digérera jamais"

Celle-ci, elle-même ancienne enseignante, est à présent libraire à Marciac, dans le Gers. Si elle dit son "envie d'avancer", il y a tout de même des choses qu'elle ne "digérera jamais".

"Nous avons tout appris par la presse, y compris sa mort", se remémore-t-elle, poursuivant: "Le 16 octobre 2020, peu après 20 heures, lorsque nous lisons le nom de Samuel dans un article du Parisien, personne ne nous a encore appelés. Le commissariat ne répond pas. Le premier contact avec les autorités a lieu après minuit."

Elle préfère mettre en avant le souci des autres que nourrissait son frère, son attachement à sa mission de pédagogue: "Samuel était quelqu'un qui essayait de bien faire les choses. Ça lui tenait à cœur de faire réfléchir les élèves. Pas de leur faire ingurgiter les programmes." "Il ne cherchait pas à révolutionner la terre entière. Il voulait changer les choses par l'action ordinaire", expose-t-elle. Un goût des gens, une curiosité qui l'avaient poussé à lire le Coran.

"Samuel n'était pas croyant, mais il voulait comprendre la foi des autres et savoir ce qui était écrit et ce qui ne l'était pas", précise Gaëlle Paty.

"Personne dans la famille n'a été au courant de ce qu'il a vécu"

La libraire revient sur ce cours sur la liberté d'expression aux effroyables et inimaginables retombées.

"Samuel avait passé quinze jours de vacances chez nos parents dans l'Allier, avant la rentrée. Il avait discuté de cet EMC (enseignement moral et civique) avec ma mère, qui a été elle aussi institutrice. Samuel lui avait dit: 'Voilà, je ne sais pas trop comment présenter les choses...'"

Elle avoue elle-même qu'à sa place, elle n'aurait "pas montré les caricatures". Non qu'elle désavoue l'initiative de son frère, simplement, elle assure ne pas avoir son courage. "Je n'aurais pas osé aller à l'opposition frontale avec certains élèves. Samuel l'a fait, parce que c'est un puriste", prolonge-t-elle.

La tourmente soulevée par ce cours, les messages hostiles, le harcèlement, Samuel Paty semble s'y être enfoncé seul, sans y associer sa famille. "Personne dans la famille n'a jamais été au courant de rien de ce qu'il a vécu durant la première quinzaine d'octobre. Il n'en avait pas parlé à mes parents", retrace ainsi Gaëlle Paty.

Cette dernière évoque l'un des détails les plus marquants parmi ceux exhumés par les investigations: le fait que des élèves aient renseigné le futur assassin après qu'il les a soudoyés. "Je le dis tristement, mais cela ne m'a pas étonnée. Avec ce que j'ai vécu comme enseignante dans un quartier difficile à Grenoble", confie-t-elle.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV