"Il m'a tapé sans me parler": le témoignage d'un migrant agressé au sabre par William M.
Un passé violent. Quelques heures seulement après l'attaque d'un centre culturel kurde qui a fait trois morts vendredi dernier rue d'Enghien, dans le Xe arrondissement de la capitale, la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, détaillait le parcours du principal suspect, un dénommé William M.
Elle avait décrit un individu "déjà connu des services judiciaires", notamment pour l'agression d'un camp de migrants situé parc de Bercy, le 8 décembre 2021, où il est accusé d'avoir frappé plusieurs individus à coup de sabre. Il avait été placé en détention provisoire et remis en liberté le 12 décembre, soit quelques jours seulement avant son nouveau passage à l'acte.
"Il m'a tapé sans me parler"
BFMTV a pu retrouver et s'entretenir avec Samuel, un migrant originaire d'Erythrée âgé de 43 ans, qui avait été blessé par William M. Ce matin de décembre 2021, peu avant huit heures, celui-ci sort de sa tente et aperçoit à proximité un homme qu'il ne connaissait pas.
"Je sors de ma tente, je vois quelqu’un à trois mètres de ma tente. Quand il me voit il commence à faire du sport comme ça (il mime des gestes, ndlr). Il est venu derrière moi, il m’a tapé sans parler", se rappelle-t-il.
Le quadragénaire est blessé au niveau du flanc. Sonné et choqué, il tente de comprendre les raisons de cette agression.
"Je me retourne pour regarder qui est-ce et pourquoi il m’a tapé. Son visage était caché. Il m’a donné un autre coup, un deuxième, dans la jambe", ajoute-t-il.
Samuel, ainsi qu'une seconde personne également blessée, avait été transporté à l'hôpital. Le 27 décembre dernier, Médiapart révélait que les autres migrants du campement avaient été placés en garde à vue pour "violences en bande organisée" alors qu'ils venaient d'être attaqués. Ils avaient été relâchés plusieurs heures plus tard.
Séquelles psychologiques
Depuis cette violente agression, Samuel dit être victime, en plus des lésions physiques, de blessures psychologiques importantes qui entravent son quotidien.
"Ma vie a changé. Je reste à la maison, je ne vis pas normalement. J’ai appelé trois ou quatre avocats qui n’ont pas accepté de me défendre", souligne-t-il, ajoutant qu'il ne parvient pas à trouver de travail en raison de cette situation.
L'exilé cherche toujours un avocat qui pourrait porter sa voix devant la justice. Avant les faits de la rue d'Enghien, l'instruction durait depuis plus d'un an, une longueur de la procédure justifiée par le profil des victimes, selon une source judiciaire à BFMTV.
"Déjà il a fallu joindre les victimes, qui sont des migrants donc plus complexes à joindre et enfin il y a un volet psy important et donc il a fallu faire des expertises qui prennent du temps", indique-t-on.
William M. a été placé en détention provisoire et mis examen pour assassinats et tentative d'assassinat en raison de l'appartenance, vraie ou supposée, des victimes à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, ainsi que pour acquisition et détention illégale d'armes à feu de catégorie B.
Il avait aussi été condamné le 30 juin dernier par le tribunal de Bobigny a un an de prison pour des violences, des coups de couteau assenés à trois personnes à son domicile de Livry-Gargan en février 2016.