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Police-Justice

Harcèlement sexuel à Rennes 2: "il a essayé de m'embrasser de force", dénonce une enseignante

Des femmes participent, le 22 mai 2011 à Paris, à un rassemblement, pour protester contre le "sexisme" en pleine affaire DSK

Des femmes participent, le 22 mai 2011 à Paris, à un rassemblement, pour protester contre le "sexisme" en pleine affaire DSK - Bertrand Langlois-AFP

Deux enseignantes de l'Université Rennes 2 ont dénoncé le harcèlement sexuel et psychologique dont elles auraient été victimes de la part de trois collègues masculins. Propos déplacés, insultes, attouchements: un seul d'entre eux a été sanctionné par le comité disciplinaire. Il a écopé d'une interdiction de monter en grade pendant deux ans.

Un nouveau cas de harcèlement sexuel. Après Denis Baupin et le sexisme dénoncé dans la classe politique, une nouvelle affaire pourrait cette fois toucher le monde universitaire. Deux enseignantes de l'Université Rennes 2 ont dénoncé des faits de harcèlement sexuel et psychologique qui auraient été commis par trois de leurs collègues masculins. L'un a été sanctionné par le comité disciplinaire, tandis que les deux autres ont été relaxés. Insuffisant, pour les victimes présumées, qui demandent à aller plus loin.

Les faits remonteraient à plusieurs mois. Une des deux enseignantes plaignantes, qui préfère rester anonyme, a raconté à BFMTV.com ce dont elle se dit victime: 

"C'était un mélange de harcèlement sexuel et psychologique. Il y avait des insultes extrêmement vulgaires et des remarques à caractère sexuel très déplacées. Des mots crus, des propositions directes. A plusieurs reprises, il m'a fait partager ses fantasmes sexuels avec ses collègues et ses étudiantes. Ou encore des réflexions sur la culotte de celle-ci, les fesses ou les cuisses d'une autre. Il se montrait aussi parfois très agressif."

"Quand est-ce qu'on couche ensemble?"

L'autre enseignante, qui préfère elle aussi garder l'anonymat, se sent humiliée. Son calvaire dure depuis plusieurs années. "C'est un film d'horreur. D'une injustice totale et incompréhensible pour moi", témoigne-t-elle pour BFMTV.com. Elle raconte les insultes et attouchements qu'elle aurait subis.

"L'un a essayé de m'embrasser de force, a commis des attouchements, m'a pincé, et toujours quand il n'y avait personne ou à des heures tardives. Il se montrait très agressif, faisait des remarques sur mon apparence avec beaucoup de violence. Un autre m'a convoqué à plusieurs reprises dans son bureau et me lançait: "J'ai quelque chose de très sérieux à te demander, quand est-ce qu'on couche ensemble?" et le disait de manière bien plus crue encore."

Selon elle, ces faits auraient commencé dès son arrivée au sein de l'établissement, il y a quatre ans. Elle les aurait signalés à la rentrée 2015. "Aujourd'hui, je n'arrive pas à remonter la pente", assure la professeure, en arrêt maladie depuis le mois de mars.

"Rien n'a été étouffé, tout a été mis en œuvre"

Le président de Rennes 2, Olivier David, a engagé une procédure disciplinaire. Les trois hommes, après s'être vus interdits de les approcher, ont été suspendus. Un seul d'entre eux a finalement été sanctionné le 20 mai dernier. Il écope d'une simple interdiction de monter en grade durant deux ans.

Les deux autres ont quant à eux été relaxés. "En janvier 2016, le président de l'université Rennes 2 a été alerté par le médecin de prévention de l'établissement au sujet d'agissements évocateurs de harcèlement sexuel entre enseignants.(...) Pour deux des trois dossiers, aucun fait n'était constitutif de harcèlement sexuel", explique l'établissement - dont le président n'a pas souhaité répondre à BFMTV.com - dans un droit de réponse à Libération. Et ajoute que "rien n'a été étouffé, tout a été mis en œuvre".

"C'est intolérable"

Plusieurs organisations syndicales et estudiantines ont publié dans la foulée de la sanction un communiqué dans lequel elles dénoncent la clémence du comité disciplinaire.

"Aujourd'hui des cas de harcèlement sexuels sont étouffés à Rennes 2, en effet, trois professeurs accusés de harcèlement sexuels vont être remis en poste à la rentrée. Cet état de fait est intolérable et ne peut être justifié au sein de notre université (…) Nous dénonçons cette décision de relaxer ou d'appliquer une peine minime à des personnes accusées de harcèlement sexuel et dont les faits sont avérés."

Elles s'estiment d'autant plus déçues qu'Olivier David a refusé ce vendredi de faire appel de cette décision.

"Nous avons été reçus ce matin par le président de l’Université, indique pour BFMTV.com Jasmine Morice, militante de Solidaires étudiant-e-s Rennes qui a diffusé le communiqué. Il nous a annoncé qu'il ne ferait pas appel. Il nous a expliqué qu'il estimait que ce n'était pas à lui d'avoir un avis sur ce jugement."

Le collectif envisage de demander au recteur d'académie ou au ministère de l'Education nationale de faire appel de cette décision.

"Ils abusent du rapport hiérarchique"

Sans compter que les enseignantes ne seraient pas les seules concernées. Dans la procédure disciplinaire, des étudiantes ont également témoigné de harcèlement psychologique.

"On avait droit à des surnoms de tous genres: "mes chéries", "la plus belle", se souvient pour BFMTV.com une étudiante qui préfère rester anonyme. Je n'ai pas demandé à être appelée comme ça. Et puis, il y avait des gestes. On nous prenait la main ou dans les bras, ils mettaient une main sur l'épaule, ça nous mettait mal à l'aise. Tout cela accompagné de réflexions gênantes et déplacées sur le physique et de propositions douteuses. Mis bout à bout, ça commençait à faire beaucoup. On s'est rendu compte que ce n'était pas normal. Ils abusent du rapport hiérarchique."

Une sanction "humilitante" pour les victimes

Et selon elle, malgré la sanction - qu'elle juge humiliante pour les victimes - le problème reste entier.

"On va se retrouver en cours avec eux l'année prochaine. Ils vont nous noter après tout ce qu'il s'est passé. Je n'ai aucune envie de les avoir comme professeurs."

Du côté des enseignantes, la direction a assuré que tout serait mis en place à la rentrée afin qu'elles n'aient plus aucun contact avec eux.

Depuis le début du mois, un "dispositif de prévention du harcèlement sexuel" et "une campagne de sensibilisation", notamment avec un guide, ont été mis en place dans l'université.
Céline Hussonnois Alaya