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Police-Justice

Fraude fiscale: Cahuzac jugé en appel pour éviter la prison

Condamné à 3 ans de prison ferme en première instance, l'ancien ministre est jugé jusqu'au 21 février et sera défendu par Eric Dupond-Moretti.

Comptes cachés à l'étranger, montages sophistiqués et mensonges: condamné à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale et blanchiment en 2016, l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac est jugé en appel à Paris à partir de lundi. Cette fraude de l'ancien héraut de la lutte contre l'évasion fiscale restera comme le plus retentissant scandale du mandat de François Hollande, une tache indélébile à la "République exemplaire" promise.

Une onde de choc qui allait favoriser l'institution de règles éthiques en politique et aboutir à la création d'un parquet national financier, d'une agence anticorruption et à une grande loi de moralisation de la vie publique.

Cinq ans d'inéligibilité

Dans son jugement du 8 décembre 2016, le tribunal correctionnel de Paris fustige "une faute pénale d'une exceptionnelle gravité, destructrice du lien social et de la confiance des citoyens dans les institutions de l'Etat". Pour cette fraude qui "s'enracine dans une organisation systémique" et "familiale", l'ancienne étoile montante socialiste a été condamnée, outre la prison, à une peine de cinq ans d'inéligibilité. Sans amende, les époux Cahuzac s'étant acquittés d'un redressement majoré d'environ 2,5 millions d'euros.

Lundi, Jérôme Cahuzac, 65 ans, retraité de la vie politique, sera seul face à ses juges, avec l'ex-avocat genevois Philippe Houman, "cheville ouvrière indispensable" du montage financier ayant permis de transférer en toute discrétion de Suisse à Singapour les avoirs (600.000 euros) de l'ancien député. L'homme d'affaires avait été condamné à un an de prison avec sursis et à l'amende maximale de 375.000 euros.

Des liasses de billets remises en pleine rue

Cette affaire est avant tout l'histoire de la chute d'un homme qui avait, de son propre aveu, "une part d'ombre". Un chirurgien saisi du virus de la politique, un ministre brillant, selon des collaborateurs et élus de tous bords. Mais aussi, comme l'a crûment mis en lumière le procès, un fraudeur au nom de code "Birdie" qui se fait remettre dans la rue des liasses de billets provenant de ses comptes cachés.

Quand, en décembre 2012, Mediapart révèle que le ministre du Budget a un compte en Suisse, Jérôme Cahuzac commence par nier, les "yeux dans les yeux" des députés, de ses proches, du président. Il finira par démissionner le 19 mars 2013, puis avouer le 2 avril.

Défendu par Eric Dupond-Moretti

Le procès a mis à nu les secrets bancaires d'un couple dans la tourmente. Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flot de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par les époux. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros. L'argent s'est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte suisse de Jérôme Cahuzac, transféré en 2009 de Genève à Singapour, à hauteur de 2,7 millions d'euros sur le compte de l'île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240.000 euros de chèques versés sur les comptes de la mère de l'ex-chirurgien.

Quelle sera cette fois la stratégie du boxeur amateur? Seule certitude, il a choisi de se battre et pris pour avocat la star du barreau Eric Dupond-Moretti, dit "Aquittator". Le procès est prévu jusqu'au 21 février, le lundi et mardi à 13h30 et le mercredi à 9 heures.

C.V. avec AFP