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Police-Justice

Feu vert judiciaire à une extension de l'affaire Bettencourt

La Cour de cassation a accepté mardi la valeur probante d'enregistrements clandestins de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt et donné ainsi son feu vert à une enquête sur ses liens financiers supposés avec la majorité. /Photo d'archives/REUTERS/Cha

La Cour de cassation a accepté mardi la valeur probante d'enregistrements clandestins de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt et donné ainsi son feu vert à une enquête sur ses liens financiers supposés avec la majorité. /Photo d'archives/REUTERS/Cha - -

PARIS (Reuters) - La Cour de cassation a accepté mardi la valeur probante d'enregistrements clandestins de l'héritière de L'Oréal Liliane...

PARIS (Reuters) - La Cour de cassation a accepté mardi la valeur probante d'enregistrements clandestins de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt et donné ainsi son feu vert à une enquête sur ses liens financiers supposés avec la majorité.

Réalisés par un majordome au domicile de la milliardaire à Neuilly (Hauts-de-Seine) en 2009 et 2010, remis à la police en 2010, ces 21 heures d'enregistrements sont à l'origine d'un tumulte politico-judiciaire qui menace Nicolas Sarkozy, dont les comptes de campagne de 2007 ont déjà été saisis par la justice.

Confirmant définitivement un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux de juin 2011, la Cour de cassation a rejeté les arguments de l'héritière, sous tutelle depuis octobre, qui estimait que les enregistrements n'étaient pas recevables puisqu'ils constituaient une violation de sa vie privée.

La plus haute juridiction française confirme ainsi une jurisprudence ancienne qui veut qu'une pièce à conviction, même obtenue par des moyens frauduleux, est recevable, dès lors que cette fraude n'est pas le fait d'un enquêteur ou d'un juge.

"Les enregistrements contestés ne sont pas en eux-mêmes des actes ou des pièces de l'information (...) mais des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement", peut-on lire dans l'arrêt de la Cour.

En dissimulant un magnétophone dans le salon où Liliane Bettencourt, troisième fortune de France et quinzième du monde, recevait notamment son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, le majordome Pascal Bonnefoy a déclenché ce qui est devenu l'affaire judiciaire marquante du quinquennat Sarkozy.

FRAUDE FISCALE, TRAFIC D'INFLUENCE

Patrice de Maistre y évoque des pratiques de fraude fiscale, qui ont déjà entraîné un redressement de plus de 100 millions d'euros et un rapatriement annoncé d'une partie de la fortune Bettencourt en France.

Il est question aussi de l'embauche en 2007 pour 200.000 euros annuels de l'épouse d'Eric Woerth, alors ministre du Budget, chez Patrice de Maistre, pour "faire plaisir" au ministre, dit le gestionnaire de fortune.

L'enquête de police déjà conduite pour "trafic d'influence" sur cet aspect a montré qu'Eric Woerth avait ensuite remis en janvier 2008 la Légion d'honneur à Patrice de Maistre.

Ce dernier, apprend-on en outre sur les enregistrements, pourvoyait au financement légal de l'UMP avec le même Eric Woerth, trésorier de l'UMP au moment des faits.

De premières investigations ont amené d'autres soupçons, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt Claire Thibout évoquant un financement illégal en espèces de la campagne de Nicolas Sarkozy via 2007, organisé par Patrice de Maistre via Eric Woerth.

Patrice de Maistre évoque aussi dans les conversations enregistrées ses contacts avec de proches collaborateurs de l'actuel président afin de tenter de faire échec aux poursuites pour "abus de faiblesse" engagées en 2007 par la fille de Liliane Bettencourt, Françoise Meyers.

Après une querelle entre magistrats à Nanterre (Hauts-de-Seine), l'enquête a été dépaysée et confiée à trois juges d'instruction de Bordeaux fin 2010, qui, dans l'attente sans doute de l'arrêt de la Cour de cassation, n'avaient jusqu'ici pas interrogé Eric Woerth.

Les juges de Bordeaux ont en revanche déjà avancé sur le volet concernant l'abus de faiblesse, une expertise médicale ayant établi que l'octogénaire était en état de "démence".

Le photographe François-Marie Banier et son ami Martin d'Orgeval ont été mis en examen pour des dons présumés abusifs, évalués en l'état à plus de 100 millions d'euros pour la seule période 2006-2009.

Patrice de Maistre a aussi été mis en examen sur cet aspect. Les enregistrements montrent qu'il tente de convaincre Liliane Bettencourt de financer l'achat d'un voilier pour lui-même.

Liliane Bettencourt a été entendue comme témoin pour la première fois par les juges de Bordeaux à la mi-janvier.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse