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Police-Justice

Fausse agression islamiste à Aubervilliers: à la barre, l'enseignant "maintient avoir été agressé"

Le tribunal de Bobigny devra déterminer quelle version du prévenu est la bonne.

Le tribunal de Bobigny devra déterminer quelle version du prévenu est la bonne. - AFP

Un instituteur de l'école Jean Perrin, à Aubervilliers (93), avait raconté en décembre s'être fait agresser par un homme invoquant Daesh. Il était revenu sur sa version devant les enquêteurs, avant de réitérer, jeudi devant le tribunal de Bobigny, son histoire d'agression.

C'est un véritable coup de théâtre qui s'est produit ce jeudi au tribunal de Bobigny lors du procès attendu d'un enseignant d'Aubervilliers soupçonné de "dénonciations mensongères à autorité judiciaire ou administrative entraînant des recherches inutiles". Le jugement sera rendu le 12 février prochain.

En décembre dernier, il avait raconté s'être fait agresser par un homme, qui se revendiquait de Daesh, alors qu'il se trouvait tôt dans sa salle de classe. Avant de se rétracter quelques heures plus tard, expliquant s'être blessé lui-même.

"Je maintiens que j'ai été agressé"

Mais ce jeudi, jugé par le tribunal correctionnel de Bobigny, l'instituteur de 45 ans est totalement revenu sur ses aveux d'automutilation pour expliquer à la cour qu'il avait bel et bien été agressé ce lundi 14 décembre par un homme cagoulé et ganté qui s'était saisi d'un cutter avant de se jeter sur lui pour le blesser au flanc et la gorge. 

"Je maintiens que j'ai été agressé", a déclaré d'une voix posée le prévenu vêtu d'un costume noir élégant.

Le procureur a lui assuré que le scénario de l'agression présenté par l'enseignant est "irrecevable" et assure que l'instituteur a tout inventé. Pis, il "a pendant quelques heures accentué le désarrois de nos concitoyens". Pour ces faits il requiert deux à trois mois de prison avec sursis et 1.000 euros d'amende, en raison des recherches policières mises en place sur le terrain.

"Sous morphine"

L'enseignant, dont le récit avait suscité une vague d'émotion un mois après les attentat du 13 novembre en Ile-de-France, a expliqué avoir avoué qu'il s'agissait d'une fausse agression devant les enquêteurs sous la pression de ces derniers. "A l'époque j'ai eu peur, j'ai perdu pied, j'ai dit ce que les policiers voulaient que je dise", a rapporté devant la cour l'instituteur.

Son avocate a dénoncé "des aveux obtenus dans des conditions contestables". "Après 5 heures d'interrogatoire, alors qu'il est sous morphine, il va finir par craquer", a-t-elle détaillé. En outre, "il s'est auto-incriminé sans la présence d'un avocat", a relevé son conseil, estimant que les officiers de police avaient tardé à lui notifier ses droits.

Altération du discernement

Le juge a lui, de son côté, rappelé que le prévenu avait lui-même indiqué aux enquêteurs qu'il souffrait de problèmes d'alcool et qu'il était sous pression car il devait être inspecté le surlendemain du drame. Par ailleurs, après ses aveux, une double expertise psychiatrique, alors qu'il se trouvait à l'hôpital pour être soigné, avait conclu à une altération du discernement et l'incompatibilité de son état de santé avec une mesure de garde à vue.

Pour les faits dont il est accusé, le prévenu risque jusqu'à six mois de prison et une amende de 7.500 euros. Déjà suspendu par l'Education nationale pour une durée de quatre mois, s'il était condamné il pourrait être révoqué.

J.C. avec Mélanie Bertrand