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Police-Justice

Emmanuel Macron décide l'arrestation de dix ex-brigadistes italiens, Mario Draghi "satisfait"

Le président Macron visite un centre de vaccination à Valenciennes, le 23 mars 2021

Le président Macron visite un centre de vaccination à Valenciennes, le 23 mars 2021 - Yoan VALAT © 2019 AFP

Sept anciens membres des Brigades rouges réfugiés en France ont été interpellés ce mercredi en France, trois sont recherchés. Ils sont tous condamnés en Italie pour des actes de terrorisme commis dans les années 70-80.

Emmanuel Macron a décidé de régler le vieux litige avec Rome sur les anciens membres des Brigades rouges réfugiés en France en en faisant arrêter dix ce mercredi, dont sept ont été interpellés et trois sont recherchés, tous condamnés en Italie pour des actes de terrorisme commis dans les années 70-80.

Le Premier ministre italien Mario Draghi a aussitôt exprimé sa "satisfaction". Les personnes arrêtées en France, "responsables de très graves crimes de terrorisme, ont laissé une blessure qui est encore ouverte", a-t-il souligné dans une courte déclaration transmise par ses services. "La mémoire de ces actes barbares est encore vive dans la conscience des Italiens".

La décision de transmettre au Parquet ces dix noms, sur "des demandes italiennes qui portaient à l'origine sur 200 individus", "a été prise par le président et s'inscrit strictement dans la 'doctrine Mitterrand'" datant de 1985 et consistant à accorder l'asile aux ex-brigadistes sauf pour les crimes de sang, a précisé l'Élysée.

"Le président a souhaité régler ce sujet, comme l'Italie le demandait depuis des années", a ajouté la présidence française.

"La France comprend l'absolu besoin de justice des victimes"

L'extradition d'activistes d'extrême-gauche venus se réfugier en France après les "années de plomb", marquées par des attentats et des violences des Brigades rouges surtout entre 1968 et 1982, est une demande de l'Italie depuis des années, à laquelle la France n'a quasiment jamais accédé.

Depuis 1981, seuls deux décrets d'extradition ont été signés, sous Jacques Chirac: celui de Paolo Persichetti en 1995, extradé en Italie en 2002, et celui de Cesare Battisti en 2004, le plus recherché des anciens activistes, qui vivait en France depuis 1990 et s'est alors réfugié à l'étranger. Il a ensuite été arrêté en Bolivie.

En 2008, Nicolas Sarkozy avait décidé de ne pas appliquer le décret d'extradition de l'ex-membres des Brigades rouges Marina Petrella, condamnée à perpétuité en Italie, en raison de son état de santé. La plus connue des activistes recherchées fait partie des sept personnes interpellées mercredi matin, selon la police italienne.

"La France, elle-même touchée par le terrorisme, comprend l'absolu besoin de justice des victimes", explique l'Elysée, évoquant aussi "l'impérieuse nécessité de la construction d'une Europe de la Justice, dans laquelle la confiance mutuelle doit être au centre".

La justice doit se prononcer sur leur extradition

La ministre italienne de la Justice Marta Cartabia avait transmis officiellement "une requête urgente" le 8 avril à son homologue français Eric Dupond-Moretti face, selon la presse italienne, au risque de prescription pour certains actes.

D'après plusieurs médias italiens, Emmanuel Macron a ensuite eu une conversation téléphonique avec Mario Draghi, qui lui a confirmé l'importance de cette affaire pour Rome.

La justice doit maintenant se prononcer sur leur extradition, au cas par cas. Les ex-brigadistes arrêtés doivent être présentés d'ici 48h00 devant le parquet général de la cour d'appel de Paris, avant qu'un juge ne statue sur leur éventuelle détention ou leur remise en liberté sous contrôle judiciaire, le temps de l'examen des demandes d'extraditions italiennes, a-t-on appris de source judiciaire.

Ce dossier, longtemps endormi, a resurgi en 2019 au moment du retour en Italie de Cesare Battisti, extradé en Italie après près de 40 ans de cavale en France puis au Brésil.

Le ministre italien de l'Intérieur de l'époque, Matteo Salvini, avait alors affirmé que la France abritait depuis des décennies des "assassins ayant tué des innocents". Mercredi, il a dit "apprécier la collaboration de la France".

Parmi les autres personnes interpellées figurent Giorgio Petriostefani, Narciso Manenti, Roberta Capelli, Enzo Calvitti, Giovanni Alimonti et Sergio Tornaghi. Les trois personnes encore recherchées sont Maurizio Di Marzio, Luigi Bergamin et Raffaele Ventura, a précisé l'Elysée.

"Trahison innommable"

"Tous les gouvernements de droite et de gauche ont refusé l'expulsion. Avec Macron la France n'a plus de parole", a dénoncé Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise.

"C'est une trahison innommable de la France. Je suis indignée et je n'ai pas les mots pour décrire cette opération qui s'apparente à une mini-rafle", a déclaré à l'AFP Me Irène Terrel, avocate de cinq des sept ex-brigadistes interpellés.

"C'est un reniement de la parole d'Etat, c'est incompréhensible", a aussi déploré auprès de l'AFP Jean-Louis Chalanset, l'avocat d'Enzo Calvitti.

C.Bo. avec AFP