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Police-Justice

Droit du travail en prison : les détenus à la peine

Un détenu dans sa cellule de la prison des Baumettes, à Marseille, en décembre dernier.

Un détenu dans sa cellule de la prison des Baumettes, à Marseille, en décembre dernier. - -

Un jugement des prud'hommes vendredi estime que les travailleurs détenus doivent jouir des mêmes droits que les autres. Zoom sur la situation actuelle.

Les prud'hommes ont rendu vendredi un jugement historique pour les détenus, qui pourrait bouleverser le droit du travail en prison s'il est confirmé en appel. La justice a estimé que la plaignante, une détenue de 36 ans, avait été victime d'un licenciement avec rupture abusive du contrat de travail, ce qui lui ouvrirait donc des droits jusque-là interdits aux détenus, comme le préavis ou les congés payés, versés en fin de contrat. 

L'occasion de revenir sur la situation actuelle des détenus salariés, qui restent encore une minorité faute d'offre d'emplois.

> A quoi ressemble le droit du travail carcéral ?

Il est très différent du droit du travail commun. Seuls les principes concernant l'hygiène et la sécurité doivent s'appliquer en prison. Les règles relatives à l'embauche, au licenciement ou à la rémunération notamment ne s'appliquent pas. Ce qui signifie que le détenu n'a pas le droit de prétendre à un smic, un arrêt-maladie, ou encore un préavis de licenciement.

> En quoi consiste le travail en prison ?

Il en existe trois types :
-le travail pour le service général, qui consiste à s'occuper du fonctionnement et de l'entretien de la prison : distribuer les repas, s'occuper de la bibliothèque… "C'est un travail fixe, mais très peu payé, un peu moins de 2 euros de l'heure", explique la juriste Marie Cretenot, de l'Observatoire des prisons.

- le travail pour une entreprise privée. Il peut s'agir de plier des prospectus, ou encore de conditionner des objets, au sein de la cellule ou dans un atelier. "Le détenu ne sait jamais à l'avance combien de jours il va pouvoir travailler dans le mois, mais c'est un peu mieux payé ", indique la juriste.

- le travail pour la régie industrielle des établissements pénitentiaires, qui consiste à produire des objets (des chaussures, du mobilier, des vêtements…). "Mais très peu de détenus sont concernés par ce type d'activité", selon Marie Cretenot.

> Combien gagne un détenu ?

La rémunération peut aller jusqu'à 300 euros par mois mais est très variable selon l'activité exercée, et souvent extrêmement faible. Dans les faits, "les détenus sont souvent payés à la pièce produite quand ils travaillent pour une entreprise privée, ou au forfait journalier quand ils sont au service général, et ce quel que soit le nombre d'heures par jour", décrypte Marie Cretenot.

Chaque mois, 10% du salaire sont placés sur un compte destiné à l'indemnisation des parties civiles, et 10% sont placés sur un compte bloqué jusqu'à la libération du détenu. Le reste leur sert à améliorer leur quotidien en "cantinant", soit en achetant des produits alimentaires, des cigarettes, ou du shampooing par exemple.

> Comment un détenu obtient-il un travail ?

Le détenu doit effectuer une demande pour devenir travailleur. Un jury présidé par le chef d'établissement se penche sur sa candidature, et décide ou non de l'affecter à un poste. "En cas de refus, le détenu n'a pas de recours possible", explique Marie Cretenot.

Le détenu peut exprimer des préférences, mais n'a pas la possibilité de choisir le type de poste. Un quart des détenus travaille en moyenne, un chiffre très bas faute d'offre suffisante. "Le travail permet d'apaiser les tensions, de disposer de ressources, de se sociabiliser, et de se préparer en vue d'une réinsertion après la libération. Il est nécessaire", estime Marie Cretenot.

En Europe, selon l'Observatoire des prisons, seule l'Italie accorde les mêmes droits aux salariés de droit commun et aux détenus, y compris…le droit de grève. Mais dans ce cas-là, les détenus restent dans leur cellule.