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Détention de Pierre Palmade: le comédien est-il victime d'une justice d'exception?

Pierre Palmade

Pierre Palmade - BFMTV

Plusieurs avocats ont du mal à expliquer la décision prise par la Cour d'appel de Paris et redoutent une pression bien trop importante envers les magistrats dans ce dossier.

Une décision de justice et des interrogations. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a ordonné lundi le placement en détention provisoire avec mandat de dépôt de l'humoriste Pierre Palmade, jusque-là assigné à résidence à l'hôpital, après le grave accident de la route qu'il a provoqué le 10 février sous l'emprise de la cocaïne.

Il dépend désormais de l'établissement pénitentiaire de Fresnes, mais il reste pour le moment à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, où il est placé sous écrou.

La cour d'appel de Paris a justifié cette décision par deux arguments. Le premier, le risque de réitération de Pierre Palmade, déjà en état de récidive, qui pourrait de nouveau se retrouver au volant d'un véhicule. Puis, les magistrats ont également retenu la nécessité de préserver les investigations et les preuves.

Malgré tout, la situation reste peu commune pour une affaire de délinquance routière, et interpelle Vincent Julé-Parade, avocat spécialisé dans la défense des victimes d’accident de la route, qui estime que la décision va à l'encontre des jurisprudences.

"Vendredi dernier, devant le tribunal de Bobigny, j'ai plaidé un dossier dans lequel un chauffard alcoolisé avait trois fois le taux légal au volant, roulait 40 km/h au-dessus de la limitation et a tué deux personnes et blessé grièvement deux autres. Cet individu, durant trois ans d’instruction préparatoire, n’a pas fait un seul jour de détention provisoire", explique-t-il.

La justice influencée?

Auprès de BFMTV, plusieurs avocats se demandent si la justice n'a en réalité pas cédé à la pression populaire. C'est le cas de Me Sébastien Codeço, avocat pénaliste au barreau de Paris, qui pointe également "la surmédiatisation de cette affaire."

"Je crois que Pierre Palmade étant assigné à résidence dans un établissement hospitalier, en addictologie, pouvait très difficilement réitérer les faits. On fait de lui un exemple, ce qui est anormal."

Plus nuancé sur le sujet de l'influence réelle de l'opinion populaire sur les magistrats, Me Hector Lajouanie, avocat pénaliste à Versailles, estime toutefois que le placement en détention du comédien n'est pas nécessaire à ce stade des investigations.

"Là, les perquisitions ont eu lieu, les investigations téléphoniques ont eu lieu pour savoir qui était en contact à quel moment, il y a des expertises sur l’accident, je ne vois pas Pierre Palmade, s’il était assigné à résidence, sortir de l’hôpital et aller dans le local où il y a la voiture et essayer de trafiquer les analyses, ça n’a pas de sens", pointe-t-il.

"Traitement de défaveur"

"Je pense depuis le début qu’il a un traitement de défaveur", dénonce de son côté Me Olivier Descamps, avocat pénaliste au barreau des Hauts-de-Seine, qui de surcroît se dit préoccupé de la manière dont le dossier sera traité dans le futur.

"Ce qui m’inquiète le plus c’est comment le dossier va être traité par la suite, comment le juge des libertés et de la détention, qui vient de se faire retoquer, aura le courage ou la liberté de dire qu’il maintient en détention ou qu’il libère", ajoute-t-il.

L'affaire Palmade fait réagir jusqu'aux plus hautes sphères de l'exécutif. Interrogé ce mardi matin sur BFMTV en ce qui concerne la décision de la cour d'appel, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti le martèle, "rendre la justice est difficile" et ce dossier particulier réunit "tous les ingrédients" pour "susciter, au mieux, de la curiosité, au pire, une forme de voyeurisme".

"Ça doit être fait dans la nuance, les solutions clé en main ne sont pas les bonnes solutions, chaque affaire est individuelle. L'appréciation souveraine revient aux juges qui eux, contrairement aux commentateurs, connaissent le dossier", tempère le ministre.

"Critère médiatique" pour la détention

Si elle a pu jouer sur la décision de justice, la notoriété de Pierre Palmade va également avoir une importance sur ses conditions de détention. "On s’adapte au profil", confirme Ivan Gombert, secrétaire national du syndicat FO des directeurs des services pénitentiaires, qui rappelle qu'on ne "mélange pas les profils inadéquats, et Palmade en est un."

"Là c’est le critère médiatique qui va jouer", confirme-t-il.

Depuis l'accident et les nombreuses révélations ultra-médiatisées sur la vie de Pierre Palmade, aucune personne du cercle proche du comédien ne s'est exprimée, à l'exception d'une de ses sœurs. Pour homicide involontaire sous emprise de stupéfiants en état de récidive, Pierre Palmade risque jusqu'à vingt ans de prison.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV