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Police-Justice

Des caméras pour remplacer nos policiers ?

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Se targuant d'une baisse de la délinquance en octobre, Brice Hortefeux veut tripler d'ici 2011 le nombre de caméras de vidéosurveillance en France. Une solution et des chiffres contestés.

Brice Hortefeux est fier de son premier bilan à la tête du ministère de l'Intérieur. Quasi-stable sur l'année, la délinquance générale baisse de quasi 6% en octobre, comparé à octobre 2008. Un bilan qualifié de "rupture" à la hausse de la délinquance constatée depuis le printemps, salué par l'UMP et vivement contesté par le Parti socialiste, qui évoque « un satisfecit proprement incroyable quand on connaît la réalité vécue par les Français et les forces de l'ordre ». « Huit mois de hausse, un mois de léger mieux : succès total ! », ironise dans un communiqué Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du PS à la sécurité.

Hortefeux « se moque du monde »

Le ministre de l'Intérieur a notamment annoncé le triplement du nombre de caméras de surveillance en France. De 20 000 actuellement, on passerait à 60 000 d'ici à 2011. Des chiffres avec lesquels Brice Hortefeux « tente de masquer d'autres chiffres plus inquiétants, estime le PS. Ceux de la purge organisée des effectifs : 2744 emplois de policiers et gendarmes sont supprimés dans le budget 2010 ».
Développer la vidéosurveillance, c'est camoufler le manque de moyens sur le terrain, pour Claude Bartolone, député socialiste et président du conseil général de Seine-Saint-Denis : « Laisser accroire que c'est en installant des caméras de vidéosurveillance que l'on va régler d'un seul coup la question de la sécurité, c'est se moquer du monde. Comme si une fois un fait constaté, il n'y avait pas besoin de policiers pour intervenir, puis mener des enquêtes ! »

« Des caméras inefficaces, chères et liberticides »

Pour Tanguy Le Goff, sociologue à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France, les seules études crédibles concernant la vidéosurveillance, sont étrangères. Et elles prouvent la très faible efficacité dissuasive de celle-ci « sur les atteintes aux personnes, [...] aux biens publics [...] ou sur la capacité à améliorer le taux d'élucidation des forces policières. »
Opposé aux caméras de surveillance, le maire vert du 2ème arrondissement de Paris, Jacques Boutault, s'interroge : « Non seulement les caméras de surveillance sont inutiles - parce qu'elles sont peu efficaces. Elles permettent, au mieux, une résolution des problèmes lorsqu'on a retrouvé les délinquants. Mais elles sont surtout chères et dangereuses pour nos libertés. Il est faut de dire qu'elles empêchent les délits de se commettre. N'est-il pas mieux d'avoir une police de proximité dans la rue, pour éviter le délit, plutôt que d'avoir des machines qui nous surveillent en permanence ? »

« Il faut plus de policiers et plus de caméras »

Plus mesuré, François Pupponi, maire socialiste de Sarcelles dans le Val-d'Oise, en région parisienne, estime que la vidéosurveillance est utile, « à la fois dans le domaine préventif et dans le domaine répressif. Puisque, poursuit-il, c'est un élément qui permet aux policiers de pouvoir intervenir plus vite. Donc on sait que c'est efficace, mais ça ne l'est que si derrière il y a des policiers formés, qui sont capables d'agir une fois que les caméras ont filmé quelque chose. Donc la vidéosurveillance est intéressante ; elle est importante pour la sécurité, mais elle n'est qu'un complément de l'action de la police. Et si Brice Hortefeux pense qu'il va supprimer les policiers et créer des caméras, il se trompe. Il faut plus de policiers et plus de caméras. »

« Sans ça, les enquêteurs ne savent pas où chercher »

Dominique Legranf, président de l'association nationale des villes vidéo surveillées, tient de son côté à « rappeler un chiffre : hélas, déplore-t-il, lors d'un cambriolage ou de faits sur la voirie, seule une enquête sur 4 aboutit à l'interpellation des auteurs. Et très souvent, on dit que la vidéosurveillance ne sert à rien. Bien évidemment, ceux qui font l'enquête, ce sont les enquêteurs, les forces scientifiques, policières, etc. Et la vidéosurveillance ne fait pas grand-chose. Sauf que, précisément, dès le départ, on a la première piste qui permet de lancer l'enquête. Et sans ça, on ne sait pas où chercher. »

La rédaction, avec Nicolas Marsan & Céline Martelet-Bourdin & Co