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Police-Justice

Depuis quarante ans, les accusations de violences sexuelles s'accumulent contre Roman Polanski

Le cinéaste Roman Polanski, à Paris, le 4 novembre 2019 après la présentation de son film "J'accuse".

Le cinéaste Roman Polanski, à Paris, le 4 novembre 2019 après la présentation de son film "J'accuse". - THOMAS SAMSON / AFP

La première accusation de viol sur une mineure remonte à 1977. Depuis, une dizaine de femmes, parfois sous anonymat, accusent le cinéaste de viol ou d'agression sexuelle. La plupart des faits sont aujourd'hui prescrits.

Elles accusent Roman Polanski d'être un "violeur". Une avant-première parisienne du film J'accuse, le dernier film du réalisateur, a été perturbée mardi par plusieurs dizaines de militantes féministes, qui ont brandi des pancartes sur lesquelles était inscrit "Polanski persécute les femmes". Elles réagissaient à une nouvelle accusation d'une Française, qui assure avoir été violée par le cinéaste en 1975.

Ce n'est pas la première fois que l'octogénaire est la cible d'accusation de violences sexuelles, en particulier sur des mineurs. La plupart du temps, les faits où il est mis en cause sont prescrits, rendant impossibles de possibles poursuites judiciaires. BFMTV.com retrace cette série d'affaires, qui se multiplient depuis les années 1970.

  • 1977: début de l'affaire Samantha Geimer

En mars 1977, le réalisateur est arrêté, accusé d'avoir drogué et violé Samantha Geimer (Samantha Gailey de son nom de jeune fille), une adolescente de 13 ans, lors d'un reportage photo dans la villa de Jack Nicholson à Hollywood. Dans ses Mémoires parues en 1984, il reconnaît une relation sexuelle mais dément le viol.

Devant un grand jury, elle affirme qu'il lui a fait prendre un sédatif avant d'avoir des rapports sexuels avec elle: "Il ne voulait pas me faire de mal (...) mais il ne comprenait pas que j'étais trop jeune. Il ne voyait pas que j'avais peur". 

Inculpé pour viol, il plaide non coupable puis change de stratégie et reconnaît un détournement de mineure. En échange, le juge abandonne les poursuites pour viol avec fourniture et consommation de drogue. Un accord juridique est passé avec le consentement de la famille. Roman Polanski est condamné à trois mois de prison puis rapidement libéré pour conduite exemplaire. Mais à la veille de l'audience destinée à homologuer l'accord, le juge fait volte-face, estimant la sentence insuffisante.

Roman Polanski s'enfuit alors vers Paris, tandis que la justice américaine délivre un mandat d'arrêt international. Samantha Geimer, à qui le cinéaste a envoyé une lettre d'excuses et versé 225.000 dollars pour mettre un terme au procès civil, réclame à plusieurs reprises l'abandon des poursuites et déclare avoir "pardonné" son agresseur.

La justice américaine tente malgré tout de mettre la main sur le réalisateur lors de ses déplacements à l'étranger. La France et la Pologne (il possède la double nationalité) refusent de l'extrader. En septembre 2009, il est arrêté à Zurich, en Suisse, passe deux mois en prison puis est assigné à résidence pendant huit mois dans son chalet de Gstaad. La Suisse rejette finalement la demande d'extradition.

En août 2017, un juge de Los Angeles refuse de clore l'affaire comme le demandaient l'accusé et sa victime.

  • 2010: les accusations de Charlotte Lewis à Cannes

En mai 2010, en plein festival de Cannes, l'actrice britannique Charlotte Lewis accuse le réalisateur d'avoir "abusé sexuellement" d'elle lors d'un casting organisé chez lui en 1983, alors qu'elle avait 16 ans.

"Il a profité de moi et je vis avec les conséquences de son comportement depuis que les événements se sont produits", déclare-t-elle.

Des accusations "sans fondement", déclarait l'avocat de Roman Polanski en 2017.

"À (sa) connaissance", aucune procédure judiciaire, autre que celle concernant l'affaire Geimer, n'est engagée contre son client, précise à l'époque son avocat, Me Temine à l'Agence France Presse.
L'actrice Charlotte Lewis, lors d'une conférence de presse le 15 mai 2010 à Los Angeles (Californie).
L'actrice Charlotte Lewis, lors d'une conférence de presse le 15 mai 2010 à Los Angeles (Californie). © David Livingston / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
  • 2017: de nouvelles accusations en série

Deux mois avant le début de l'affaire Weinstein, une femme identifiée comme "Robin M" accuse Roman Polanski d'agression sexuelle lorsqu'elle avait 16 ans. Les faits qui auraient eu lieu en 1973 sont également prescrits.

"La raison pour laquelle j’ai gardé cela pour moi, c’est que je ne voulais pas que mon père fasse quelque chose qui aurait pu l’envoyer en prison pour le reste de sa vie", explique-t-elle alors à la presse.

Un mois plus tard, Renate Langer, une ancienne actrice, dépose une plainte pour viol, affirmant avoir été agressée à Gstaad, en 1972: elle avait 15 ans. La justice suisse déclare ces accusations prescrites.

À l'automne 2017, une artiste américaine, Marianne Barnard, accuse aussi le réalisateur de l'avoir agressée en 1975, alors qu'elle avait 10 ans. Au tabloïd britannique The Sun, elle assure que les faits se sont déroulés lors d'une séance photos sur une plage de Malibu, en Californie:

"Il m’a dit d’enlever le haut de mon maillot de bain", affirme-t-elle. "Ensuite, il m’a dit d’enlever la culotte de mon bikini, et là j’ai commencé à me sentir très mal à l'aise. (...) Et c’est là qu’il m’a violée."

Le tabloïd anglais indique que le site Imetpolanski.com, tenu par un "militant féministe" qui rassemble les récits des victimes présumées du cinéaste, a reçu le témoignage anonyme de cinq femmes, qui accusent le cinéaste de les avoir violé ou agressé sexuellement lorsqu'elles avaient entre 10 et 16 ans.

"Roman Polanski conteste formellement les accusations de Madame Barnard concernant des faits de 1975 alors qu'elle avait dix ans", avait répondu son avocat dans un communiqué.
  • 2019: le "J'accuse" de Valentine Monnier

Dans les colonnes du Parisien vendredi dernier, la photographe française Valentine Monnier accuse le cinéaste de l'avoir violée lorsqu'elle avait 18 ans, en 1975. Les faits, aujourd'hui prescrits, se seraient déroulés à Gstaad, "après une descente de ski, dans son chalet".

"Il me frappa, me roua de coups jusqu'à ma reddition puis me viola en me faisant subir toutes les vicissitudes", raconte l'ancienne mannequin.

La jeune femme s'était confiée à un ami du cinéaste, à des amis puis à son mari, mais n'a pas porté l'affaire devant la justice, gardant le silence jusque très récemment. Elle a depuis reçu le soutien de nombreuses personnalités du monde du cinéma, dont Adèle Haenel. L'avocat de Polanski, Hervé Temime, a indiqué que son client "contestait fermement toute accusation de viol".

Esther Paolini avec AFP