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Police-Justice

Dénoncer les abus policiers sur Internet: méfiance dans les rangs

Les policiers sont souvent amenés à multiplier les opérations de contrôle dans le métro parisien.

Les policiers sont souvent amenés à multiplier les opérations de contrôle dans le métro parisien. - -

Depuis ce lundi matin, un formulaire de plainte sur le site internet du ministère de l’Intérieur permet à tout citoyen de signaler les manquements d’un fonctionnaire de police, et dont il s’estimerait victime. La nouvelle est loin de faire l’unanimité parmi les syndicats de policiers.

Quelques clics pour dénoncer le comportement d’un policier: le cyber-formulaire voulu par Manuel Valls, et accessible à tout citoyen, agite les rangs de la police nationale.

Au syndicat Alliance, classé à droite, Frédéric Lagache n’y voit qu’ "un outil de plus pour stigmatiser la police. Entre le Défenseur des droits, le nouveau code de déontologie et l’arrivée du matricule [sur les uniformes des policiers, ce qui les rendra identifiables, NDLR], nous sommes les plus contrôlés. Il faut arrêter!". Ce responsable syndical craint que ces formulaires de signalement en ligne ne viennent démotiver les troupes, convaincu que les agents passeront "leur temps à s’expliquer devant les services d’inspection", noyés sous des signalements "fantaisistes", et obligés qu’ils seront de les traiter.

L'honneur de la police nationale

Au contraire, Emmanuel Roux, secrétaire général du Syndicat des commissaires (SCPN), ne juge "pas choquant que la police rende compte de son activité avec des moyens modernes. C’est même plutôt à son honneur".

Principal garde-fou à ses yeux: les signalements anonymes seront rejetés, tandis que les dénonciations calomnieuses relèveront du pénal, et pourront faire l’objet de lourdes sanctions judiciaires, si le juge retient l’intention malveillante.

Les mauvais plaisants qui seraient tentés de dénoncer des bavures imaginaires "risquent de se retrouver devant les tribunaux", renchérit Nicolas Comte, du syndicat SGP-Police, rassuré par l’obligation pour les plaignants de fournir leur identité. Ce contact direct entre les administrés et l’IGPN "va vers plus de transparence", poursuit-il. Il s’agit de "ne pas donner l’impression que la police a quelque chose à cacher".

Un moindre mal

Chaque année, les enquêtes à l’encontre de fonctionnaires de police, d’où qu’elles émanent, aboutissent à 40 à 50 révocations, pour les manquements avérés les plus graves.

Avec ces signalements sur Internet, "les illuminés, les anti-flics primaires vont s’en donner à cœur joie", redoute Frédéric Lagache, chez Alliance. Son confrère Nicolas Comte préfère y voir "un moindre mal, après l’abandon du récépissé [lors des contrôles policiers, NDLR]".

Jusqu’ici, les plaintes de particuliers contre la police dénoncent souvent "une voiture de police qui grille un feu rouge sans gyrophare, ou par exemple un policier vu en train de tutoyer un jeune de 13 ans", détaille Emmanuel Roux, du SCPN. Comprendre, loin du scandale de la BAC de Marseille.

Permettre à tout citoyen de relever les abus policiers, "c’est de l’acupuncture", veut conclure ce commissaire dans une note d’optimisme: "On va apporter des micro-corrections [aux agents de police], leur rappeler que les gens attendent de la considération, et de l’amabilité avec le public".

Alexandre Le Mer