BFMTV
Police-Justice

Corse: un maire menacé ose porter plainte

En Corse, un élu est persuadé que son refus d'implanter des projets immobiliers est à l'origine des menaces qu'il reçoit.

En Corse, un élu est persuadé que son refus d'implanter des projets immobiliers est à l'origine des menaces qu'il reçoit. - Stephan Agostini - AFP

Le maire d’une commune de Haute-Corse a reçu l’an dernier des menaces récurrentes, alors qu’il refusait de céder à l’implantation de projets immobiliers. En 2014, il a déposé plainte, mais un an après avoir brisé l’omerta, l’élu est amer. 

Séverin Medori est le maire de Linguizetta depuis 2008. La petite commune d’un peu plus de 1.000 habitants est située en Haute-Corse, sur la façade littorale. En 2014, rapporte Le Monde, le maire du village, également éleveur, retrouve à huit reprises ses vaches abattues de plusieurs balles dans la tête.

Séverin Medori reçoit également des menaces téléphoniques et des coups de feu sont tirés à proximité de chez lui. L’élu est persuadé que ces pressions sont destinées à lui faire peur, afin qu’il démissionne. 

Un suspect membre d'un gang

Depuis qu’il est à la tête de la commune, un lieu à fort potentiel pour les développeurs immobiliers, Séverin Medori rejette l’urbanisation du littoral de Linguizetta. A son arrivée à la mairie en 2008, il refuse de poursuivre les projets engagés par la précédente municipalité, qui prévoyait notamment la construction d'un golf. Ce choix aurait conduit à sa mise à l’écart par les autres communes.

Début 2014, chose rare en Corse, le maire décide de porter plainte. En mars dernier, les autorités mettent un suspect en garde à vue, il est soupçonné d’être à l’origine des coups de fil malveillants. Le suspect appartient à un commando connu dans la région pour être au cœur d’un conflit avec un gang d’ex-nationalistes. Les deux groupes s’affrontent pour le contrôle de l’immobilier dans la région.

L’homme interpellé, Jean-François Servetto, avait en 2013 échappé à un guet-apens, trahi par un de ses complices, proche du gang bastiais de la Brise de mer. Jean-François Servetto est blessé, trois de ses complices sont tués. 

"Je ne porterai plus plainte"

Mais dans l’affaire qui concerne le maire de Linguizetta, face à la faiblesse des charges, Jean-François Servetto a été laissé en liberté. Et plus d’un an après sa plainte, Séverin Medori est désabusé. Il s’interroge sur l’intérêt de son recours. "L’expérience m’a rendu très amer", confie l’élu au Monde.

Le maire de Linguizzetta a eu le sentiment de ne pas être "pris au sérieux" par la justice et l’administration. Pour lui, l’inaction des autorités contribue à renforcer "l’impunité" qui règne sur l’île. L’élu est fataliste: "Je ne porterai plus plainte" affirme-t-il. Pour lui, le manque de réaction de l’Etat encourage en Corse un système "qui fonctionne selon des règles occultes". 

C. B