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Police-Justice

Comment identifier l'auteur d'une lettre anonyme? "On va du général au particulier", explique une experte

Depuis le début de l'enquête, en octobre 1984, les lettres anonymes sont au centre de l'affaire Grégory. Sur notre plateau ce vendredi soir, Suzanne Schmitt, experte honoraire en documents et écritures, a expliqué la méthodologie employée pour tenter d'identifier l'auteur de ces missives d'un genre particulier.

L'envoi de lettres anonymes est l'élément central de l'affaire Grégory. Ce sont même de nouvelles analyses en écritures qui ont relancé l'enquête autour de la mort du petit Grégory, dont le corps avait été retrouvé dans la Vologne (Vosges) le 16 octobre 1984, cette semaine. Les experts en écritures ont donc un rôle capital dans ces investigations. Sur notre plateau ce vendredi soir, Suzanne Schmitt, experte honoraire en documents et écritures, a expliqué la méthodologie qui est la leur. 

"On ne traite pas une lettre anonyme isolément. Il faut un dossier de comparaison qui doit être le plus proche possible, en termes de dates, de la pièce anonyme car l’écriture peut évoluer, se modifier. On examine d’une part les particularités qui ressortent du document litigieux. Puis on travaille de façon indépendante sur les documents de comparaison. On vérifie surtout leur homogénéité", a-t-elle commencé. 

Examiner la place d'une virgule

Une fois ces bases posées, l'expert peut s'attaquer au gros oeuvre: "A partir de là, on utilise un protocole de comparaison d’écritures. Pour résumer, on va du général au particulier. Le général, c’est la mise en page. Par exemple, sur une enveloppe, l’adresse est positionnée différemment par chacun. L’espace est important, les interlignes etc", a détaillé Suzanne Schmitt. Voilà pour le général, et s'agissant du particulier: "Et puis, on en arrive aux particularités qui sont propres à l’individu. Et ça peut être un point en forme d’accent circonflexe, ça peut être une virgule placée en plein milieu de l’espace au lieu d’être collée à la lettre, il y a plein d’automatismes propres à chacun", a poursuivi la spécialiste. 

Les auteurs de lettres anonymes contrefont généralement leur écriture. Mais aussi doués que puissent être ces faussaires, ils finissent toujours par commettre quelques impairs sur le papier:

"On se trahit toujours. Pour la bonne raison que quand on essaye de déguiser son écriture, on va se concentrer sur la modification de la forme, éventuellement sur la modification de l’inclinaison de l’écriture, mais on va oublier les points, les virgules. C’est inconscient. On part alors de ces petits indices pour venir conforter au fur et à mesure par d’autres éléments les points qui permettent de dire : ‘untel est l’auteur de cette lettre anonyme’", a noté Suzanne Schmitt. 

Des "corbeaux" très discrets

Il existe quelques traits saillants communs aux "corbeaux" selon Suzanne Schmitt. "La plupart des lettres sont soit en capitales d’imprimerie et dans le cas d’une écriture cursive très fréquemment le scripteur prend sa main gauche, s’il est droitier. C’est une façon comme une autre de se cacher. Mais même avec la main gauche, les particularités ressortent", a-t-elle observé.

Aussi malveillants que soient les courriers anonymes, leurs auteurs sont souvent des personnages des plus discrets. "Avec l’expérience, on s’aperçoit que les personnes qui écrivent des lettres anonymes sont très souvent discrètes. Ecrire une lettre anonyme, c’est une façon d’exprimer ce qu’elles ne peuvent pas dire oralement", a conclu Suzanne Schmitt. 

Robin Verner