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Comment fonctionne le statut des "repentis", ces anciens criminels ayant décidé d'aider la Justice

Image d'illustration d'un tribunal français

Image d'illustration d'un tribunal français - Thomas Samson - AFP

Contre une protection, une promesse de réinsertion, une remise voire une exemption de peine, les repentis sont des personnes qui quittent les rangs des bandes criminelles pour donner des informations à la Justice.

Lorsqu'on parle du statut de "repenti", son nom est souvent cité. Le procès de Claude Chossat pour assassinat en bande organisée et association de malfaiteurs s'est ouvert lundi. Arrêté en 2009 à la suite du meurtre d'un chef du gang corse de la Brise de Mer, il a donné à la police des informations sur les agissements de ce groupe, devenant ainsi un indicateur précieux pour les enquêteurs, mais également une cible pour ceux qu'ils venaient de donner.

Mais, s'il est surnommé "le repenti", Claude Chossat n'a pas le droit au statut officiel de repenti. Ce statut a été mis en place en 2014, et concerne "les personnes qui, ayant participé à des activités criminelles, acceptent de coopérer avec les autorités judiciaires ou policières et obtiennent différents avantages en échange de leur collaboration", selon une note de synthèse du Sénat sur le sujet.

Le principe était acquis depuis la loi dite Perben II, datée du 9 mars 2004, mais a été mis en application dix ans plus tard, par le décret du 17 mars 2014, soit plusieurs années après les révélations faites par Claude Chossat. Or, la non-rétroactivité de la loi ne lui a pas permis de bénéficier de cette protection.

Quelle protection pour les repentis?

Claude Chossat est intervenu plusieurs fois dans les médias, assurant qu'il devait assurer sa protection tout seul. "Je suis obligé de gérer ma sécurité et celle de ma famille par mes propres moyens", a-t-il déclaré dans une vidéo du Parisien publiée dimanche, "c'est à dire prendre mes précautions, m'occuper de nos déplacements, de nos déménagements, alors que dans le cadre du statut de repenti, la protection d'un collaborateur de justice est assurée par la Justice".

Les repentis peuvent bénéficier de mesures de protection ainsi que de réinsertion telles qu'une protection physique, une re-domiciliation ou une protection en milieu carcéral. Côté réinsertion, une formation linguistique, un suivi psychologique, ou encore une formation professionnelle.

"En cas de nécessité, ces personnes peuvent être autorisées, par ordonnance motivée rendue par le président du tribunal judiciaire, à faire usage d'une identité d'emprunt", précise l'article 706-63-1 du Code Pénal. En fonction des situations, les proches peuvent aussi bénéficier de ce statut.

Une protection "ni automatique, ni obligatoire"

Toutefois, quand on a le statut de repenti, "l’attribution de mesures de protection, de réinsertion et d’identité d’emprunt, n’est ni automatique, ni obligatoire", explique le ministère de la Justice, contacté par BFMTV.com. Chaque mise en place de protection et de réinsertion se fait au cas, par "une analyse concrète de la situation et des besoins adaptés" de l'individu.

C'est la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR) qui décide des mesures de protection et de réinsertion définies pour chaque cas. Elle est composée de trois magistrats, d'un représentant de la direction générale de la police nationale, d'un de la direction générale de la gendarmerie nationale et d'un dernier représentant chargé des douanes. Cette commission est saisie par le procureur de la République chargée du dossier, ou par un juge d'instruction.

Ensuite, "le service interministériel d'assistance technique expose les faits et formule un avis sur la pertinence des mesures de protection demandées", est-il écrit dans le décret.

Un repenti peut être condamné par la Justice

"Le bénéfice du statut de repenti ne supprime pas la responsabilité pénale de ce dernier", explique le ministère de la Justice. Ainsi, si des réductions de peine, voire des exemptions sont possibles, elles sont loin d'être automatiques. Le repenti Patrick Giovanni, premier repenti à passer aux assises, en 2018, ne bénéficiait pas de l'immunité pénale, notamment car ses aveux tardifs n'avaient pas permis d'empêcher un assassinat.

"On doit le condamner, mais pas à de la prison ferme, car ce serait l'envoyer à la mort", avait alors déclaré son avocat, Laurent-Franck Liénard, qui redoutait des représailles. "On casse le système des repentis s'ils savent que c'est comme ça qu'ils sont remerciés".

Une exemption de peine pour un repenti "est applicable en cas d’infraction tentée", explique le ministère, lorsque une personne "a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices". En revanche, une réduction de peine sera appliquée "pour les infractions consommées et infractions connexes (...) si ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, [le témoignage] a permis de faire cesser l’infraction". La Chancellerie ajoute que "l’identification des coauteurs ou complices constitue une condition cumulative requise".

Peu de données chiffrées sur les repentis

Peu de chiffres filtrent sur le sujet. En 2014, Le Figaro parlait de 450.000 euros pour financer une dizaine de cas, L'Express donnait 500.000 euros. Le Monde écrivait en 2018: "à ce jour seules deux personnes, dans les dossiers corses, ont pu adhérer à ce programme".

Au ministère de la Justice, on invoque "le principe de confidentialité, nécessaire à la sécurité du dispositif". Ni budget, ni chiffres ne sont diffusés concernant le nombre de repentis actuellement en France.

"Toutefois, il peut être indiqué que l’activité de la CNPR est croissant, tendance qui a vocation à perdurer compte tenu de la meilleure connaissance par les praticiens, magistrats et enquêteurs, de l’existence et du fonctionnement de ce dispositif" des repentis, déclare la Chancellerie.
Salomé Vincendon