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"Ces dix mois d’audience n’ont servi à rien": des avocats de la défense critiquent le procès du 13-Novembre

Des policiers patrouillent le 8 septembre 2021 à Paris devant la salle d'audience spéciale mise en place pour le procès des attentats du 13-Novembre (photo d'illustration)

Des policiers patrouillent le 8 septembre 2021 à Paris devant la salle d'audience spéciale mise en place pour le procès des attentats du 13-Novembre (photo d'illustration) - Alain JOCARD © 2019 AFP

Dans une tribune publiée dans Le Monde, onze avocats de la défense sur 40 dénoncent une "décision politique avant d'être une décision de justice" près de 3 semaines après la lecture du verdict dans le procès des attentats du 13-Novembre.

"Le procès n’a pas été exemplaire et les droits de la défense ont été malmenés." Les mots sont durs et les réactions sont nombreuses. Près de trois semaines après la lecture du verdict dans le procès des attentats du 13-Novembre, onze avocats de la défense signent une tribune critique pour dénoncer la tenue des débats comme les peines prononcées.

Les 40 avocats défendant les accusés ont été sollicités pour signer ce texte publié par Le Monde. Parmi les onze signataires figurent Mes Olivia Ronen et Martin Vettes, les avocats de Salah Abdeslam, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible.

"C'est une sanction que nous, avocats, on peut trouver comme injustifiée", dénonçait déjà l'avocate sur BFMTV la semaine dernière, estimant que "la peine donnée était déconnectée de tout ce qu'on avait pu entendre" lors du procès.

"Dix mois d'audience qui n'ont servi à rien"

Allant à l'inverse des commentaires "laudateurs" émis depuis le prononcé du verdict, les pénalistes estiment "que la conduite de ce procès et la solution qui en a découlé sont en contradiction avec les principes fondateurs de notre législation criminelle". Pour eux, "le principe de l’interprétation stricte du droit pénal a été abandonné, la charge de la preuve renversé".

Pour ces avocats, trois éléments ont été retenus "des théories juridiques les plus bancales": le principe de "coaction", qui repose sur le fait que les attentats sont en réalité "une scène unique de crime" et qui a valu à Salah Abdeslam d'être condamné à la plus lourde peine du code pénal français. "Une peine de mort lente" dénoncée par les pénalistes. Et enfin la définition de l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste, infraction considérée comme fourre-tout, et pour laquelle "c'est à l'accusation que le doute a profité".

"Notre sentiment est que ces dix mois d’audience n’ont servi à rien dans la décision finale, poursuivent-ils, dénonçant "une décision politique avant d'être une décision de justice".

Le collectif d'avocats en veut la preuve que "le sort de vingt accusés a été débattu en quarante-huit heures". Y'a-t-il eu un débat "en un si court délai?" "Comment ne pas penser que tout était joué d’avance, quand la décision écrite reprend, pour l’essentiel, ce qu’on trouvait dans l’acte d’accusation", poursuivent-ils une semaine après que la condamnation des 20 accusés devienne définitive en l'absence d'appels.

"Surpris et heurté"

Cette critique a été largement commentée. Jusqu'au procureur général près de la Cour de cassation, et procureur de la République de Paris au moment des attentats. François Molins s'est dit, dans les colonnes de L'Obs, "surpris et heurté" à la lecture de cette tribune.

"La justice peut être fière de ce qu'elle a accomplie", tranche le magistrat.

Le président de l'association de victimes Life for Paris a rapidement réagi à cette tribune estimant sur Twitter que les avocats de la défense signataires du texte font "le procès du procès et tentent de l’utiliser pour critiquer la justice antiterroriste" et le font "en traitant de naïfs ceux qui ne seraient pas d’accord".

"Attaquer ce qui aurait été un procès politique par une tribune politique sous couvert de droit, c’est assez curieux", poursuit Christophe Naudin, historien et rescapé du Bataclan.

Pour Me Gérard Chemla, avocat de 143 parties civiles, "le seul commentaire courageux d'un jugement qu'on désapprouve se fait devant une enceinte de justice, cela s'appelle la justice démocratique".

Justine Chevalier