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Police-Justice

"Ce n'est pas le procès du Bataclan!": sept Strasbourgeois, jihadistes présumés, jugés à Paris

Sept Strasbourgeois comparaissent au tribunal depuis ce lundi car ils sont soupçonnés d'être partis faire le jihad en Syrie en décembre 2013. L'un d'eux est le frère de Foued Mohamed-Aggad, un des terroristes du 13 Novembre. Tous encourent jusqu'à dix ans de prison.

Surtout "pas d'amalgame" avec les attentats du 13 novembre: la défense a bataillé lundi au procès de sept Strasbourgeois, dont le frère d'un kamikaze du Bataclan, jugés pour avoir passé plusieurs mois en Syrie.

À première vue, voilà une affaire de jihadisme presque banale, comme le tribunal correctionnel de Paris en examine désormais semaine après semaine. Ils sont sept hommes, âgés de 24 à 27 ans, partis en Syrie entre décembre 2013 et avril 2014, jugés pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Il s'agit d'un délit grave, passible de jusqu'à dix ans de prison, mais non d'un crime, qui enverrait les suspects devant les assises.

Dans le box, le frère d'un kamikaze du Bataclan

Pourquoi alors cette cohue de caméras et cette bousculade à l'entrée du tribunal? À cause d'un nom, Mohamed-Aggad. C'est celui de l'un des sept prévenus, Karim Mohamed-Aggad. C'est aussi celui d'un assaillant du Bataclan, où ont péri 90 personnes, Foued Mohamed-Aggad. Les deux frères étaient partis ensemble en Syrie, dans un groupe de dix jeunes hommes, liés par "le foot et la chicha" qu'ils fumaient dans un bar de l'autre côté de la frontière allemande, explique Mokhlès Dahbi, l'un des prévenus.

Le périple est organisé avec l'aide d'un recruteur bien connu des services de renseignement, Mourad Farès. Peu après leur arrivée, deux frères, membres du groupe, meurent. Foued Mohamed-Aggad décide de rester, tandis que les autres regagnent progressivement la France, à partir de février 2014, et sont arrêtés en mai suivant.

Les voilà assis dans deux box vitrés, donnant parfois l'impression de deux clans rivaux. D'un côté quatre hommes portant des barbes fournies, Radouane Taher, Mohamed et Ali Hattay, et Karim Mohamed-Aggad, échangent sourires et plaisanteries. Face à eux, dans l'autre box, Miloud Maalmi, Mokhlès Dahbi et Banoumou Kadiakhe ont le visage glabre, la mine un peu plus sombre et le regard plus souvent baissé.

"On voudrait un procès équitable"

"Je voudrais revenir sur ce qui s'est passé le 13 novembre", dit Karim Mohamed-Aggad, barbe épaisse et cheveux lustrés, demandant la parole dès l'ouverture du procès. Ce soir-là, dans sa prison, il regardait le match de foot France-Allemagne.

"Moi et mes amis on n'a rien à voir avec ça. (...) On choisit ses amis, on ne choisit pas sa famille", ajoute le prévenu. "On n'a aucune part de responsabilité" dans les attentats qui ont ensanglanté Paris ce soir-là, assure le jeune homme. "On ne veut pas être assimilés à ces faits-là. Mon frère a fait ce qu'il a fait. Ça ne regarde que lui. On voudrait un procès équitable sans amalgame."

Avant même que le procès n'entre dans le vif du sujet, la défense doit batailler pour tenter de dissiper l'ombre du 13 novembre. Un échange parfois aigre oppose les avocats des prévenus et celui de l'Association française des victimes du terrorisme (AfVT). Cette dernière a, au début du procès, souhaité se constituer partie civile. Cette démarche permet de demander l'indemnisation d'un préjudice, mais aussi d'intervenir lors d'un procès pénal.

"Pas le procès du Bataclan"

"Ce n'est pas le procès du Bataclan", s'écrie Me Eric Plouvier, qui représente Miloud Maalmi. "Le fait que le mot 'terrorisme' apparaisse, ça émoustille tout le monde", regrette Me Xavier Nogueras, conseil de Radouane Taher, estimant qu'il n'y a aucune raison d'accepter cette partie civile, puisque, dans ce procès, il n'y a "pas de victimes", ni en France ni ailleurs.

"Vous n'avez pas votre place ici", lance Me Françoise Cotta, l'avocate de Karim Mohamed-Aggad, à son confrère représentant l'AfVT. Elle avait auparavant tempêté contre le traitement médiatique de cette affaire, visant selon elle à "coller" sur son client les actes commis par son frère. Ce n'est qu'après ces vifs échanges que l'audience peut véritablement démarrer.

Les prévenus assurent, chacun à leur tour, qu'ils étaient partis d'abord pour "aider" les civils syriens, tout en reconnaissant qu'ils étaient prêts, à l'époque, à "prendre les armes" contre le régime.

Sans brandir outre mesure une motivation "humanitaire", Karim Mohamed-Aggad déclare que, "meurtri" par la souffrance des Syriens, il était parti "dans le but de combattre" Bachar al-Assad. Son interrogatoire de personnalité est prévu mardi en début d'après-midi. Le procès doit durer jusqu'au 7 juin.

V.R. avec Cécile Ollivier et AFP