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Police-Justice

"Ça arrive souvent par vagues": 7 policiers se sont suicidés depuis le début de l'année en France

Un insigne de la police nationale (image d'illustration).

Un insigne de la police nationale (image d'illustration). - PATRICK KOVARIK / AFP

Le directeur général de la police nationale recevra, vendredi, des associations d'écoute dédiées aux policiers. Face au fléau des suicides dans la police, les bénévoles attendent des mesures concrètes.

"C'est un sentiment d'échec que l'on prend personnellement, en tant que bénévoles. On a un goût amer". Le chiffre passe mal pour Cyril Cros, co-fondateur d'Assopol, qui accompagne les membres des forces de l'ordre en détresse psychologique: depuis le début de l'année, sept policiers se sont donné la mort en France. Les derniers en date, qui travaillaient à Lille et à Strasbourg, étaient respectivement âgés de 36 et de 43 ans.

Face à ce constat, le directeur général de la Police nationale, Frédéric Veaux, recevait ce jeudi les organisations syndicales. Vendredi, les discussions se poursuivront avec plusieurs associations d'écoute des policiers en souffrance.

"Ce qu'on attend, c'est un acte, plutôt que des promesses", affirme à BFMTV.com Christophe Girard, vice-président de l'association PEPS-SOS Policiers en détresse, qui prendra part à la réunion. "On a identifié le problème, apporté des solutions. On verra si elles sont écoutées".

Un syndrome de stress post-traumatique par accumulation

À ce chiffre de sept suicides en seulement 18 jours, Christophe Girard préfère celui de quarante-cinq par an en moyenne. "Ça arrive souvent par vagues", détaille-t-il. "Mais ça fait 25 ans que ça dure. Il faut taper fort, à tous les étages".

C'est en 2019 que PEPS-SOS Policiers en détresse voit le jour, d'abord sous la forme d'un groupe de parole libre sur Facebook. Aujourd'hui, ils sont 26 membres des forces de l'ordre à être formés pour pouvoir répondre aux appels de collègues en détresse psychologique.

"Derrière, 10 psychologues, un médecin et deux infrimières peuvent prendre le relai" en cas de situation complexe, précise Christophe Girard. Au total, l'association reçoit environ 500 appels par mois.

D'après lui, ce phénomène est lié à une accumulation de traumatismes au cours d'une carrière dans les forces de l'ordre. "Le point commun entre la grande majorité des policiers qui se suicident, c'est qu'ils sont touchés par un syndrôme de stress post-traumatique par accumulation. Comme ils n'ont pas forcément d'espace pour digérer ce qu'ils voient, ça peut ressortir à un moment donné", décrit le vice-président de PEPS.

"On est confrontés à ce qu'il y a de plus bas"

Un constat que partage Cyril Cros, l'un des trois fondateurs d'Assopol, qui offre également un espace d'échange à ces policiers en souffrance, les redirige vers des professionnels et prend en charge financièrement tout ou partie des soins.

"Dans les métiers de secours, comme dans les forces de l'ordre, on est confrontés à tout ce qu'il existe de plus bas dans la nature humaine. Des violences conjugales, des décès d'enfants que l'on doit annoncer aux familles, des morts violentes, des agressions...", énumère-t-il, interrogé par BFMTV.com.

Ces expériences traumatisantes, mises bout à bout, peuvent mener à un sentiment de mal-être, poursuit Cyril Cros. "On récupère la souffrance d'autrui pour la retranscrire, et au bout d'un moment, certains la gardent en eux. Ils peuvent perdre pied, et quand ça arrive, ils peuvent avoir des gestes fatidiques, dont on ne revient pas."

Des pistes pour endiguer le phénomène

S'il admet que des mesures ont été prises récemment, à l'image de la mise en place de plusieurs lignes d'écoute dès 2019, le co-fondateur d'Assopol a en tête plusieurs idées pour appuyer l'écoute et la prise en charge des souffrances dans le milieu.

Implanter un psychologue dans tous les services de police, instaurer des visites annuelles de contrôle... "Dans ce domaine, toutes les idées sont bonnes à prendre pour endiguer ce fléau", avance-t-il. "Si demain on arrête de faire ce que l'on fait, on sera les premiers contents", conclut Cyril Cros.

Elisa Fernandez