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Police-Justice

Braquages violents et évasions éclairs: l'enquête de BFMTV sur Redoine Faïd

BFMTV diffuse ce lundi soir à 20h50 une enquête exceptionnelle sur le braqueur multirécidiviste. De ses premiers larcins dès l'enfance dans sa ville natale de Creil au braquage raté d'un fourgon qui a conduit à la mort d'une policière municipale, en passant par ses deux évasions spectaculaires, retour sur le parcours de celui qui a été surnommé "l'ennemi public numéro 1".

Mercredi 3 octobre, à l'aube, c'est l'effervescence dans toutes les rédactions. Redoine Faïd, en cavale depuis 93 jours, s'est fait capturer à 4h20 du matin dans un appartement du quartier du Moulin à Creil, dans l'Oise. Cent vingt policiers ont été mobilisés pour mettre la main sur celui qui est devenu "l'ennemi public numéro 1". De cette arrestation reste une image: celle d'un Redoine Faïd, l'air hagard, assis menotté sur le lit où il dormait encore quelques minutes plus tôt, une arme à feu à portée de main. Loin de l'image du braqueur flambeur.

Pendant plusieurs mois, BFMTV a enquêté: comment le petit garçon de Creil, l'élève attachant, est devenu le braqueur multirécidiviste qui s'est évadé à deux reprises? Comment le fan de films policiers s'est-il servi du cinéma pour façonner son mode opératoire, lui qui va être marqué, dès son plus jeune âge, par l'arrestation de Jacques Mesrine, illustre prédécesseur de Redoine Faïd? Redoine Faïd, l'ennemi numéro 1 est diffusé ce lundi soir à 20h50 sur notre antenne.

> L'enfance à Creil

Né en 1972, Redoine Faïd fait partie d'une fratrie de 10. Il a grandi à Creil dans le quartier familial et apaisé de Guynemer. Une enfance sans encombre, loin de l'image qui lui est désormais associée. "Il fréquente les boums, avec son petit pull sur les épaules et ses petits mocassins aux pieds, raconte Jérôme Pierrat, ami de Redoine Faïd et co-auteur de Braqueur. Il ne faut pas imaginer une espèce de petit délinquant en herbe, méchant, terrorisant le quartier et volant les sacs des petites vieilles".

Camarade jovial, élève attachant, c'est pourtant dès l'âge de 6 ans qu'il commet son premier larcin: le vol d'un caddie de friandises. Le début d'une longue carrière. Pendant plus de 10 ans, il va multiplier les cambriolages.

> Le tournant: le départ de son père

En 1990, le père de Redoine Faïd repart pour l'Algérie, laissant derrière lui ses enfants et leur mère, atteinte d'un cancer. "C’est le seul élément émotionnel fort et douloureux de son enfance", analyse Roland Coutanceau, psychiatre, auteur d'une expertise de Redoine Faïd. Alors au lycée, il va réaliser son premier braquage de banque: en quelques minutes, il dérobe 240.000 francs. "Il prend goût à cette vie, estime Me Raphaël Chiche, son avocat. Je pense que s’il avait pu faire quelque chose d’autre, il l’aurait fait."

> La fascination pour le cinéma

Après son premier braquage, Redoine Faïd ne va plus s'arrêter. De petit lycéen, il va imaginer son mode opératoire dans les salles obscures de Creil. Reservoir Dogs, Midnight Express, Heat... autant de films dont il va s'inspirer. Ce sera le cas le 20 décembre 1995. Ce jour-là, Redoine Faïd et ses complices séquestrent la famille du directeur de l'agence BNP de Creil. Les braqueurs portent chacun le masque d'un homme politique français, à l'instar du film Point Break, où les braqueurs portent des masques de présidents américains.

Un premier braquage à 195.000 euros puis d'autres, des hold-up de bijouterie, des raids dans les sociétés informatiques... Redoine Faïd écume la région de Creil. Rares sont les victimes qui acceptent de témoigner. "Ils m’ont séquestrée dans ma propre chambre", raconte Alice*, ancienne directrice d'une société informatique retenue prisonnière avec sa famille par Faïd. "Il y en a un qui a pointé son arme sur ma tempe. Mes parents ont été ligotés. Ils voulaient aussi bâillonner mes parents, ma mère n’a pas voulu."

> La première arrestation

Pendant plusieurs années, Redoine Faïd va flamber. Il s'installe dans une banlieue cossue, fait des voyages, tout en continuant ses méfaits avec "le gang des saucissonneurs", comme ils ont été surnommés. Faïd décide de s'essayer au braquage de fourgon, un rite de passage dans le grand banditisme. Le 3 juillet 1997, il s'exécute. Munis d'un masque de hockeyeur, lui et ses compères braquent un fourgon. Ils le percutent avec un véhicule, avant menacer les convoyeurs avec des explosifs. "Ils pensaient que c’était leur dernière heure, qu’ils allaient peut-être être achevés par les malfaiteurs", confie Yves Carmona, avocat des convoyeurs. Ils repartent avec 2,7 millions de francs, mais Faïd va laisser de l'ADN. Pour la première fois, il est matériellement rattaché à un braquage. Dix-huit mois plus tard, le 30 décembre 1998, il est arrêté.

> La double face de Redoine Faïd

Jugé à 29 ans pour plusieurs braquages avec séquestration, il écope de 15 et 20 ans de prison. Les experts découvrent un homme "assez sûr de lui", avec "une certaine force de caractère". "Il a un QI au-dessus de 110. Il est dans le niveau haut de la moyenne, même au-dessus de la moyenne dans sa capacité de comprendre les situations avec ce qui l’entoure", rapporte Roland Coutanceau. En prison, il est un détenu modèle mais révèle une "tonalité sociopathique". "C’est quelqu’un qui peut un peu soudoyer (…) Il dit aux agents ‘si tu aimes les beaux vêtements, je sais où on peut les trouver’. Je me suis dit, il est culotté. Si on ne le freine pas d’entrée, ça ne va pas aller", se rappelle un des surveillants.

A sa sortie de prison en 2009, Redoine Faïd se range des affaires. Il s'installe en banlieue parisienne avec sa compagne, travaille et écrit un livre avec son ami Jérôme Pierrat. "La personnalité telle que vous pouvez la percevoir quand vous regardez la télé, c’est clairement quelqu’un qui a deux faces: il a une face qu’il essaie de présenter, honorable par rapport aux gens qui le regardent dans les émissions", se souvient Christian Flaesh, ancien patron de la PJ. "Et il y a la face beaucoup plus sombre, que l’on découvre petit à petit et qui l'implique lui et son entourage familial dans des affaires extrêmement graves."

> L'obsession de s'évader

En 2010, Redoine Faïd monte un nouveau braquage: celui d'un fourgon. Les braqueurs, pourchassés, vont croiser la route d'un équipage de la police municipale. Aurélie Fouquet, une policière, est abattue d’une rafale de kalachnikov. Le braqueur écope de 25 ans de prison. Le 13 avril 2013, Redoine Faïd va finir de forger sa réputation en s'évadant de la prison de Lille-Sequedin. Les images de vidéosurveillance, que nous révélons dans notre enquête, montrent avec quel calme et quelle préparation le caïd a préparé son évasion. En 20 minutes, il est libre, après avoir fait sauter cinq portes. Il sera arrêté 46 jours plus tard.

Cinq ans plus tard, Redoine Faïd récidive. Le 1er juillet dernier, il s'évade de la prison de Réau, en Seine-et-Marne. "Je vois un hélicoptère arriver et se poser sur la colline", raconte à BFMTV David*, un surveillant. "Trois membres d’un commando, deux qui sont descendus de l’hélicoptère et un qui tenait en respect le pilote avec une arme. Cagoule, pantalon de militaires, voilà quoi…" D'autres agents pénitentiaires se cachent. "J’avais peur qu’on nous voie, qu’il y ait une prise d’otages. On s’est mis dans le local ‘fouille’ et on a tout fermé. On a coupé les Motorola, on s’est mis sur silence", témoigne Raphaël*. La police mettra 13 minutes à arriver, l'hélicoptère est déjà loin.

* Le prénom a été modifié

Justine Chevalier avec Marie Peyraube et Régis Desconclois