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Police-Justice

Bastien, tué dans un lave-linge: l'émotion d'un travailleur social

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Depuis 2006 et jusqu'à la mort du petit Bastien, fin 2011, un travailleur social avait suivi la famille de la jeune victime. Au troisième jour d'un procès inouï, il a témoigné anonymement, et se défend d'avoir fait correctement son travail. Malgré le drame indicible. Compte-rendu.

La voix hachée par l'émotion, le travailleur social qui suivait Bastien, mort dans un lave-linge où son père l'avait enfermé, a défendu ce jeudi son honneur et son "boulot" face aux interrogations des médias sur la responsabilité des services sociaux dans ce drame.

"Si vous faites rien, je le balance du deuxième étage"

Le jeudi 24 novembre 2011, veille du soir fatidique, Christophe Champenois laisse un message sur le répondeur de l'assistant éducatif qui suit la famille. "Il y a un gros, gros problème avec Bastien. Il arrête pas de faire des bêtises. Non-respect des camarades. Si vous faites rien du tout, je le balance du deuxième étage, même s'il faut que je fasse 15 ans de prison", menace le père.

Aujourd'hui âgé de 36 ans, Christophe Champenois est jugé depuis mardi pour meurtre aggravé sur son fils de 3 ans devant la cour d'assises de Seine-et-Marne. Le verdict est attendu vendredi en fin d'après-midi. En entendant l'enregistrement, diffusé lors de l'audience, ce travailleur social qui a demandé à garder l'anonymat se prend la tête dans les mains et pleure.

Ce message, il n'en a pris connaissance que le lundi suivant, à son retour au travail après une semaine d'arrêt-maladie. Bastien était déjà mort des suites de son confinement dans le tambour de la machine à laver, lancée en mode essorage. Ses interventions dans la famille "se sont terminées à ce moment-là", dit-il.

Un garçon "dynamique" et "plein de vie"

Depuis février 2011, il rend régulièrement visite à la famille Champenois, qui occupe un petit deux-pièces à Germigny-l'Evêque, en Seine-et-Marne. Il parle de Bastien comme d'un petit garçon "dynamique, souriant malgré tout, joyeux. Il aimait jouer. Il était plein de vie". Logement insalubre, difficultés financières et "carences éducatives": la famille est connue des services sociaux du département depuis la naissance en 2006 de la soeur aînée de Bastien. Lors de ces visites, toujours annoncées, et parfois déclenchées par un appel anonyme au 119, le père et la mère, Charlène Cotte (29 ans à présent), se montrent rassurants.

Les enfants sont aussi vus par le médecin de la Protection maternelle et infantile (PMI), qui ne décèle "aucun signe de maltraitance". "C'est vrai qu'on s'interrogeait sur la place de Bastien dans cette famille. Il était vu comme l'enfant turbulent, qu'on devait cadrer", relate le travailleur social, qui doit s'interrompre à plusieurs reprises tant il est ému.

Des propositions refusées, des rendez-vous oubliés

Il propose "un accueil provisoire" pour Bastien et, face au refus de la mère, se démène pour lui trouver une assistance maternelle, histoire de "séparer un peu Bastien de sa famille". Parallèlement, il aide le père de famille au chômage dans ses démarches pour trouver un logement social.

En petite section de maternelle, Bastien tape et mord ses camarades. Un suivi psychologique de l'enfant est proposé et un rendez-vous fixé au 17 novembre, que les parents n'honorent pas.

"J'ai fait mon boulot"

L'assistant-éducatif évoque ensuite les "mises en cause" des services sociaux "dans la presse", à l'occasion de ce procès.

"Je sais que j'ai fait mon boulot et je continuerai de le faire", dit-il.

Il qualifie l'aide consacrée à la famille Champenois d'"exceptionnellement importante", sachant que l'Aide sociale à l'enfance de Seine-et-Marne prend en charge environ 5.000 familles et doit traiter près de 6.000 informations préoccupantes par an.

Pensez-vous que la famille était "adhérente" à vos conseils? l'interroge la présidente, Catherine Katz. "Je le pensais, mais ce qui s'est passé me fait dire que c'était fictif", tranche-t-il. "Votre émotion est la nôtre", lance Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu, partie civile. "Il n'y a pas lieu de mettre en cause des individus, c'est le système qui a failli", ajoute l'avocat, pointant l'absence de "formation à l'identification de la maltraitance".

Réclusion criminelle à perpétuité?

"Dans ce dossier, je ne vois que deux accusés: Christophe Champenois et Charlène Cotte", renchérit Me Jean-Christophe Ramadier, l'avocat du père de Bastien. Ce couple "pathologique", que les experts psychiatriques ont décrit comme "conscient et lucide" au moment des faits, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Jé. M. avec AFP