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Police-Justice

Au tribunal de Nantes, le manque de moyens est une réalité

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par Guillaume Frouin NANTES (Reuters) - Juge pour enfants au tribunal de Nantes, épicentre de la fronde nationale des magistrats, Jérôme Dupré vit au...

par Guillaume Frouin

NANTES (Reuters) - Juge pour enfants au tribunal de Nantes, épicentre de la fronde nationale des magistrats, Jérôme Dupré vit au quotidien, avec ses collègues, le manque de moyens de la justice française.

Ce juge de 39 ans, qui s'exprime en qualité de membre de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) après les propos de Nicolas Sarkozy accusant les magistrats de faute dans la gestion de l'affaire Laëtitia, gère par exemple 450 dossiers d'assistance éducative pour des "mineurs en danger".

Une centaine de ces dossiers ont été récupérés "du jour au lendemain" en septembre dernier, après le départ d'une collègue toujours pas remplacée.

Pour accomplir ses missions, qui comprennent aussi l'instruction d'enquêtes ou l'audition de mineurs délinquants, Jérôme Dupré travaille "de 8h15 à 20h15" au tribunal. Ses journées, entrecoupées le plus souvent par un simple sandwich, se prolongent aussi régulièrement le soir et le week-end, puisqu'il rapporte des dossiers chez lui.

"Ma greffière, d'une incroyable conscience professionnelle, revient, elle, au tribunal le week-end pour notifier les jugements", complète le magistrat, dont le bureau comporte une pile de dossiers d'un mètre de haut.

Ils ont été sortis des armoires pour répondre aux multiples courriers relatifs à des demandes d'assistance éducative, reçus "en l'espace de deux jours".

"On est obligés de les parcourir à toute vitesse le matin, car on manque de temps", explique-t-il. "Or, il y a des cas urgents qui nécessitent de prendre des mesures dans la minute."

"CONDITIONS DE TRAVAIL INFERNALES"

Selon Jérôme Dupré, le manque de moyens touche toute la chaîne pénale française, et pas seulement les magistrats.

Faute de places en foyers d'accueil, financés par les pouvoirs publics, une soixantaine d'enfants en Loire-Atlantique peuvent par exemple être maintenus "pendant plusieurs mois" auprès de parents alcooliques, violents, voire incestueux, et cela en dépit de la décision de placement du juge.

"Des dysfonctionnements, j'en ai des exemples réguliers, mais la justice n'y est pour rien: on prend des décisions graves, avec un personnel insuffisant, et qui ne peuvent pas toujours être appliquées", soupire Jérôme Dupré, qui envisage, dans ces conditions, de "changer de fonction dès que possible".

"Je suis rentré dans la magistrature car c'est un métier d'une très grande richesse, mais je découvre là des conditions de travail infernales", explique cet ancien juriste d'entreprise, qui a une formation d'avocat et a fait l'Ecole nationale de la magistrature (ENM).

"Ici, on travaille presque deux fois plus que dans le privé", dit-il. "Et encore, en entreprise, quand on veut des résultats, on nous donne les moyens. Dans la justice, on nous en enlève".

Edité par Patrick Vignal