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Police-Justice

Assassinat du préfet Claude Erignac: l'affaire qui a conduit Yvan Colonna en prison

Arrêté en 2003 après quatre années de cavale, le berger de Cargèse avait été condamné à la perpétuité en 2011 pour le meurtre du préfet Claude Erignac. Lui a toujours clamé son innocence.

Le soir du 6 février 1998 à Ajaccio (Corse-du-Sud) le préfet Claude Erignac est assassiné par balles à bout portant, un crime qui a déclenché une onde de choc dans la société française. Vingt ans plus tard, trois hommes étaient encore derrière les barreaux, condamnés pour avoir participé à cet assassinat. Parmi eux, Yvan Colonna, qui est mort ce lundi à l'âge de 61 ans des suites de ses blessures à l'hôpital, après avoir été passé à tabac par un autre détenu le 2 mars.

Ce berger, militant indépendantiste corse, avait été arrêté en 2003, après quatre ans de cavale. Accusé d'être l'auteur des tirs qui ont tué le préfet Claude Erignac, il avait été condamné à la perpétuité en 2011, au bout de trois procès. Lui a toujours clamé son innocence.

L'émotion après l'assassinat

L'assassinat du préfet Claude Erignac s'inscrit dans une série d'attentats des indépendantistes corses, à la fin des années 2000. Sa mort, de plusieurs balles à bout portant dans l'arrière de la tête, déclenche un torrent de réactions condamnant le meurtre d'un haut fonctionnaire, représentant de l'État. Les jours suivants, des dizaines de milliers de Corses expriment leur effroi et leur tristesse lors des plus grandes manifestations jamais organisées à Ajaccio et Bastia.

La foule devant la préfecture d'Ajaccio le 9 février 1998
La foule devant la préfecture d'Ajaccio le 9 février 1998 © GEORGES GOBET / AFP
"L'assassinat du préfet Claude Erignac est un acte d'une extrême gravité. Il bouleverse les consciences. Par ce meurtre, ce n'est pas seulement l'État qui est atteint, mais ce sont tous les citoyens de la République", avait déclaré Lionel Jospin, alors Premier ministre.

Un groupe anonyme revendique l'assassinat du préfet le 9 février. Deux militants nationalistes sont par la suite interpellés et passent de longs mois de prison, avant d'être relâchés.

Quatre années de cavale

Suspecté de faire partie d'un groupe à l'origine de l'assassinat, le berger de Cargèse Yvan Colonna nie déjà à l'époque son implication et déclare dans une interview: "Il faut des coupables, des coupables à tout prix, et on trouve des gens qui ont le profil. Alors peut-être qu'on a le profil des gens qui sont responsables de cette action, mais on n'y est pour rien".

Le 21 mai 1999, quatre hommes sont arrêtés et passent aux aveux. Un mandat d'arrêt est lancé contre un cinquième, Yvan Colonna, qui devient l'homme le plus recherché de France, après avoir été accusé durant les gardes à vue d'être le tireur. Il prend la fuite. Suivent quatre années de cavale jusqu'à son arrestation en juillet 2003 dans une bergerie près du village d'Olmeto (Corse-du-Sud).

"La cavale d'Yvan Colonna était une insulte à la mémoire du préfet Erignac. Elle faisait peser une lourde suspicion sur la République, incapable d'arrêter l'assassin présumé d'un préfet de la République (...) Ces interrogations sont désormais levées", avait alors déclaré le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.

Trois procès pour une condamnation en 2012

Trois procès ont lieu dans les huit années suivantes, lors desquels Yvan Colonna assure qu'il n'a jamais tué personne. Il est tout de même condamné à la réclusion criminelle à perpétuité lors d'un premier procès en 2007 pour "assassinat en relation avec une entreprise terroriste", mais fait appel de la décision.

Interrogés à l'époque, ses avocats dénoncent le jugement. "C'est un verdict qui est prononcé dans un dossier absolument vide de preuves", déclarait ainsi Me Antoine Sollacaro. "C'est un verdict incompréhensible tant l'accusation nous a parue indigente : aucune preuve, aucun élément", disait également Me Gilles Simeoni.

Lors d'un deuxième procès en 2009, il est de nouveau condamné à la perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, mais cette condamnation est annulée en 2010 pour vice de procédure. Lors d'un troisième procès, il est tout de même condamné à la perpétuité (sans période de sûreté). Yvan Colonna demande un autre jugement, une demande rejetée en 2012.

Demande de rapprochement de la Corse

Emprisonné à Arles (Bouches-du-Rhône), Yvan Colonna avait fait plusieurs demandes de rapprochement en Corse, où se trouve sa famille, toutes refusées. "Il n'a pas vu son fils, qui a dix ans, depuis 15 mois, et sa mère, qui a des problèmes de santé, depuis 15 ans", avait dénoncé le député de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva en janvier dernier, "donc il faut un rapprochement familial".

En décembre, une quinzaine de parlementaires de différentes couleurs politiques avaient déjà signé une tribune en ce sens dans le quotidien Le Monde. Cette demande était également faite pour Pierre Alessandri, 63 ans, et Alain Ferrandi, 62 ans, arrêtés en 1999 et condamnés en 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir participé à l'assassinat du préfet. Ils sont détenus à la maison centrale de Poissy (Yvelines).

Des hommages sont rendus tous les ans au préfet Erignac depuis son assassinat. "Si la justice a rendu son verdict dans cette affaire symbolique, jamais nous ne pourrons oublier, jamais nous ne devons oublier", déclarait en février 2019 la préfète de Corse-du-Sud.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV