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Police-Justice

Arbitrage controversé: 5 ans de prison ferme requis contre Bernard Tapie

Après trois semaines d'audience, le procureur de la République de Paris a donné ses réquisitions dans le procès Tapie. L'homme d'affaires est jugé pour l'arbitrage controversé qui lui avait permis d'obtenir 404 millions d'euros au titre de dommages dans la vente d'Adidas au Crédit Lyonnais.

Ultime ligne droite pour Bernard Tapie. Après trois semaines d'audience, les réquisitions dans le procès concernant l'arbitrage controversé qui avait permis à l'homme d'affaires d'obtenir 404 millions d'euros sont tombées. Le ministère public, dans un réquisitoire à deux voix, a réclamé 5 ans de prison ferme contre Bernard Tapie. 

3 ans de prison, dont 18 mois avec sursis ont été requis contre le PDG d'Orange Stéphane Richard. Ont également été requis une amende de 100.000 euros d'amende ainsi qu'une interdiction d'exercer dans la fonction publique pendant 5 ans. 

"Je ne peux pas dire que l’audition des différents témoins et prévenus nous ait appris des choses nouvelles dans ce procès", a entamé, lucide, Christophe Perruaux, l'un des deux procureurs.

Pas nécessaire "d'acheter" tous les arbitres

Dans un réquisitoire chargé, les deux procureurs de la République qui se sont succédé se sont étonné du montant accordé à Bernard Tapie par le collège arbitral au titre de préjudice moral. "Même pour une personne qui se fait tuer volontairement, on n’accorde pas à ses proches 1 million, pas 2 millions, encore moins 45 millions!", s'est exclamé le représentant du ministère public. Pour lui encore, il n'était pas nécessaire d'ailleurs "d'acheter tous les arbitres". "L'arbitre central suffit", insiste le magistrat, mettant en cause Pierre Estoup. 

"Je ne dis pas que Pierre Estoup n’a pas été impartial, je dis qu’il a été malhonnête", assène-t-il. "Vous avez un citoyen et son avocat qui grâce à la main qu’ils ont sur un arbitre vont commettre une fraude, qui a la singularité d'être commise sous les feux médiatiques et les ors de la République", abonde Nicolas Baëtto, le second procureur à prendre la parole.

Ces trois semaines de procès pour "escroquerie" et "détournement de fonds publics" devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris n'ont pourtant pas permis d'en savoir beaucoup plus sur les conditions dans lesquelles s'est tenu cet arbitrage. Ce recours à un tribunal privé, validé par Bercy, avait été mis en place à l'automne 2007 pour solder le feuilleutonesque et tentaculaire contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais, lié la revente d'Adidas dans les années 1990. 

Un arbitrage annulé

Le 7 juillet 2008, le trio d'arbitres octroyait 404 millions d'euros à Bernard Tapie, dont 45 millions, une somme inédite, pour son préjudice moral. Cette sentence et le fait qu'elle ne soit pas frappée de recours avait été jugée "scandaleuse" par une partie de la classe politique. Depuis, l'arbitrage a été annulé, au terme de plusieurs recours en justice, par la Cour de cassation estimant "l'occultation par un arbitre des circonstances (...) un doute raisonnable quant à son impartialité et à son indépendance, constitue une fraude (...)".

Pendant ces trois semaines, Bernard Tapie a mené le combat de sa vie, comme il a toujours dit de cette affaire Crédit Lyonnais. Dès la première journée de procès, l'homme d'affaires, âgé de 76 ans et atteint de cancer, s'est montré pugnace, combatif parfois colérique. Arrivé à l'abri des caméras, c'est à la cour qu'il a réservé son numéro. A la question de sa profession, il a répondu "acteur". Grâce à son franc-parler et ses talents d'orateur, l'homme a réussi à orienter les débats davantage sur le vieux litige l'opposant au Crédit Lyonnais plutôt que sur l'arbitrage en lui-même. En s'appuyant parfois sur son ancien avocat, et prévenu également, Maurice Lantourne.

"Je le referais"

L'un des moments forts de ce procès a d'ailleurs été cette confrontation entre Bernard Tapie et Jean Peyrelevade, ancien-PDG du Crédit Lyonnais. "Est-ce que vous n’avez pas honte?", a lancé l'ancien patron de l'Olympique de Marseille, tandis que l'ancien patron de la banque a préféré lui tourner le dos indiquant qu'il ne répondrait "pas à quelqu’un qui (l’a) accusé d’être un escroc". Bernard Tapie n'a eu alors de cesse de marteler que la banque avait cherché à le spoiler et a accusé son ancien PDG d'avoir "voulu le tuer" avec cette affaire.

L'audition de Pierre Mazeaud, l'un des trois arbitres, soupçonné d'avoir tranché en faveur de Bernard Tapie, n'a pas non plus permis d'en savoir plus. "Si c'était à refaire, je le referais", a-t-il lancé dès le début de son audition, estimant que le Crédit Lyonnais "s'était mal comporté" et "méritait une sanction pénale". Les autres arbitres qui composaient ce collège n'ont pas pu être entendus: Pierre Estoup, renvoyé devant le tribunal pour escroquerie, a été victime d'un malaise cardiaque, Jean-Denis Bredin n'était pas renvoyé dans ce dossier.

Justine Chevalier