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Police-Justice

Anesthésiste suspecté de très nombreux empoisonnements à Besançon: le point sur l'enquête

La garde à vue de ce médecin de 47 ans a été prolongée de 24 heures ce mercredi. Les enquêteurs veulent faire la lumière sur une cinquantaine "d'événements indésirables graves signalés".

Considéré comme l'un des meilleurs anesthésistes de la région de Besançon, Frédéric Péchier est interrogé depuis mardi par les enquêteurs de la police judiciaire sur sa potentielle implication dans plusieurs dizaines de cas d'incidents médicaux suspects. Il avait déjà été mis en examen dans une autre affaire d'empoisonnement en 2017.

  • Une cinquantaine "d'événements indésirables graves"

Cette nouvelle enquête préliminaire, ouverte en 2017 par le parquet de Besançon en parallèle de la première mise en examen du médecin, vise une cinquantaine de signalements "d'événements indésirables graves" (EIG) survenus dans les cliniques où l'anesthésiste exerçait, dont six mortels, selon nos informations.

Selon la Haute autorité de santé, un événement indésirable grave est un "événement inattendu au regard de l'état de santé et de la pathologie du patient, dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, ou encore la survenue probable d'un déficit fonctionnel". Mais une source proche du dossier indique que certains de ces EIG pourraient dissimuler des "faits d'empoisonnement potentiels".

Les corps de quatre patients, deux hommes et deux femmes, morts dans des circonstances troublantes lors d'interventions chirurgicales conduites dans l'une des cliniques où exerçait le docteur Péchier, ont été exhumés en décembre 2018. Lors des analyses, des traces d'empoisonnement ont été détectées.

Tous les dossiers suspects ont par ailleurs été soumis à l'expertise de médecins-anesthésistes.

  • Des proches entendus par les enquêteurs

Parallèlement à la garde à vue, la direction ainsi que des personnels de la clinique Saint-Vincent de Besançon, où a exercé Frédéric Péchier, sont entendus.

"Des membres des familles concernées par les empoisonnements sont (également) en cours d'audition", a indiqué une source proche du dossier. "Cela n'a pas été fait avant pour éviter la divulgation d'informations" avant la garde à vue, a-t-on ajouté

Par ailleurs, depuis mardi, plusieurs famille ont porté plainte.

  • La garde à vue prolongée

La garde à vue de l'anesthésiste, soumis depuis mardi 9h à un feu roulant de questions par les enquêteurs de la police judiciaire, a été prolongée ce mercredi de 24 heures. L'audition ne pouvant excéder 48 heures, l'interrogatoire s'achèvera au plus tard jeudi vers 9h, a indiqué le procureur. 

A l'issue, et en fonction des éléments recueillis lors de la garde à vue, Frédéric Péchier pourrait être déféré, avant une possible mise en examen pour de nouveaux cas d'empoisonnement et un éventuel placement en détention.

  • Déjà mis en examen en 2017

Frédéric Péchier avait été mis en examen en 2017 pour "empoisonnement avec préméditation" sur sept patients, opérés dans deux cliniques de Besançon.

Les sept cas d'empoisonnement identifiés étaient ceux de patients âgés de 37 à 53 ans qui avaient subi, entre 2008 et 2017, des interventions chirurgicales ne présentant pas de difficultés particulières. Ils avaient pourtant fait des arrêts cardiaques. Deux d'entre eux étaient morts, tandis que les cinq autres avaient pu être ranimés.

Le praticien avait été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d'exercer sa profession et l'obligation de verser une caution de 60.000 euros. Depuis sa suspension, plus aucun cas suspect d'incidents ou de décès n'ont été rapportés.

  • L'anesthésiste clame son innocence

Depuis sa mise en examen en 2017, le médecin de 47 ans maintient être innocent. Mardi soir, son avocat, Me Randal Schwerdorffer a réagi à ces nouvelles accusations.

Frédéric Péchier "n'a jamais été impliqué de quelques façons que ce soit dans un acte criminel, dans un acte d'empoisonnement", a-t-il déclaré sur notre antenne, tout en affirmant que l'on était "très en-dessous d'une cinquantaine de cas" suspects.

"On aimerait bien que ça s'arrête, on a envie comme tout le monde d'arriver à la vérité, que ce dossier se termine enfin, raison pour laquelle on va collaborer bien sûr, dans le cadre de cette garde à vue", a-t-il promis.

Mais pour Frédéric Berna, avocat des parties civiles, la garde à vue est une étape supplémentaire vers la culpabilité du médecin, alors que les indices se sont accumulés contre lui. 

"S'il s'avère que tous ces faits sont imputables, alors potentiellement, autant d'empoisonnements sur le dos d'une seule personne, c'est quelque chose de jamais vu dans l'histoire judiciaire française", a-t-il déclaré à BFMTV.
  • La thèse du "pompier pyromane"

Dans la première "affaire Péchier", le médecin-anesthésiste n'était pas en charge des patients mais il avait été appelé pour secourir certains. L'enquête avait établi que des doses potentiellement létales de potassium et d'anesthésiques avaient été administrées volontairement, provoquant les arrêts cardiaques.

Les soupçons des enquêteurs se sont portés sur cet anesthésiste qui exerçait dans les deux établissements où les incidents se sont produits. Privilégiant la thèse du "pompier pyromane", les enquêteurs le soupçonnent d'avoir sciemment modifié les poches d'injection de confrères afin de provoquer des incidents opératoires pour exercer ensuite ses talents de réanimateur.

  • Un médecin reconnu dans la région

Ce médecin-anesthésiste, qui exerçait à la Clinique Saint-Vincent de Besançon et la Polyclinique de Franche-Comté, était un professionnel reconnu par ses pairs dans le milieu médical bisontin, notamment pour ses qualités techniques. 

"C'est un excellent praticien (...). Dès qu'on avait un problème grave avec un patient, c'est lui qu'on appelait à la rescousse", témoignait en 2017 un collègue de la Clinique Saint-Vincent auprès du Parisien

De leur côté, les enquêteurs le décrivent comme "narcissique" et "égocentrique". 

Benjamin Rieth