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Police-Justice

Agression d'un boucher bio: 3 et 6 mois de prison avec sursis requis

Les deux militants étaient jugés devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Les deux militants étaient jugés devant la 23e chambre du tribunal correctionnel de Paris. - AFP

Des peines de 6 et 3 mois de prison avec sursis ont été requises à l'encontre de deux jeunes militants contre la souffrance animale qui étaient jugés ce mardi par le tribunal correctionnel de Paris. Réaffirmant leur adhésion à la cause animale, les deux prévenus ont rejeté les accusations de violences.

"Je ne pensais pas que verser du faux sang au sol constituait une dégradation." D'une voix douce presque fluette, Pierre-Antoine C., 21 ans, reconnait les dégâts qu'il a causé avec une quinzaine d'autres militants antispécistes le 4 mai dernier lors d'une action au marché couvert de Saint-Quentin, dans le Xe arrondissement de Paris. Mais il nie avec insistance toute violence à l'encontre de Steevens Kissouna, un boucher bio dont l'étale est installée dans ce marché. Le discours est le même pour son amie Ludivine B., jugée pour les mêmes faits.

Le deux jeunes militants avaient troqué la tenue colorée qu'ils arboraient lors de l'action menée par l'association 269 Life France ce 4 mai dernier. Devant le tribunal, veste, pantalon et chaussures noirs, pour lui, robe et collant noirs, cheveux attachés en chignon pour elle, ils racontent comment ils se sont retrouvés bouteille de faux sang à la main ce samedi après-midi. "J’ai pris connaissance de l'événement sur Facebook, explique l'étudiant en mathématiques. Je n'avais pas de précisions." Lors d'un "briefing" dans un square à proximité de la boucherie, les organisateurs leur ont expliqué qu'il fallait "verser du faux sang sur la vitrine et sur le sol".

"Ce qui était important c’est qu’on serait à visage découvert, qu’on opposait aucune violence, qu’on se laissait sortir, qu’on était pas là pour dégrader la boucherie. J’ai pris connaissance par la suite que de verser du faux sang constitue une dégradation et je tiens à m’en excuser", poursuit le jeune homme, qui comme son amie, avait jusqu'alors toujours participé à des actions déclarées.

"Dépassé par les événements"

Lors de l'action, Pierre-Antoine C. dit avoir "été dépassé par les événements". Après être entré dans le marché couvert avec une quinzaine d'autres militants, il dit avoir sorti une pancarte. "J’ai sorti mon affiche que j’ai tenue à l’envers pendant un moment", dit-il, comme pour prouver avoir été submergé, le jeune homme ne pouvant pas décrire l'état du stand après l'action tant il était dépassé. Il raconte aussi les seaux d'eau lancés par le fleuriste pour les faire reculer, mais pendant l'action, il l'assure, il n'y a pas eu de contact physique avec le boucher.

"J'étais entièrement dans l'action, que dans l'action", abonde d'une voix faible Ludivine B.. La jeune femme a été reconnue par un fromager comme étant celle qui lui a jeté à l'oeil ce produit semblable à du sang "mais vegan", précise-t-elle. Avec une certaine maladresse, elle n'hésite pas à s'approcher de la présidente du tribunal pour lui montrer sur des photos que non, elle avait le dos tourné lorsque le commerçant a été blessé. Preuve de leur bonne foi, elle souligne qu'après l'action, elle et son copain sont repassés devant le marché pour se rendre au cinéma.

"Un face-à-face"

Cette innocence avancée par les deux prévenus, inconnus des services de police ou de la justice, s'oppose au récit livré par le boucher bio de 33 ans. Une nouvelle fois, il est revenu sur ce samedi après-midi où il préparait une commande avant de sentir du liquide couler sur sa tête et de se retrouver face à une quinzaine d'individus. "Je ne savais pas ce qu'ils voulaient alors j'ai balancé les couteaux dans la plonge", raconte-t-il, avant de témoigner de la violence qu'il dit voir subie.

"Je suis allé vers eux, j'ai crié, et il m'a donné un coup de poing, détaille-t-il en montrant son flanc droit. A ce moment-là je tombe, je suis ramassé par des collègues."

Dans cette cohue générale, où le fleuriste lance des seaux d'eau tandis que le poissonnier utilise son jet d'eau pour repousser les militants, la fromagère a tout vu. La marchandise détériorée et les coups. "J’ai vu Steevens Kissouna face à plusieurs personnes, dont le jeune homme assis derrière moi, je me suis interposée. J’ai vu un face à face. Ils étaient très proches, en contact", assure la jeune femme, sûre de reconnaître Pierre-Antoine C., qui se jour-là portait un pantalon rose et un t-shirt multicolore fluorescent. 

"Peine d'avertissement"

"Dans ce dossier, il n’y a que la colère, la colère et la haine", s'est insurgé Me Carine Kalfon, l'avocate du boucher, suivi et toujours sous médicaments depuis ce 4 mai. Elle estime que cette agression est "un degré supplémentaire" dans la violence commise par les militants antispécistes et dénonce des individus qui "détestent" les bouchers. Son adversaire du jour, Me François Ormillien, l'avocat des deux prévenus, a réclamé la relaxe pour ses clients bien intégrés dans la société mais surtout estimant que les accusations de violences contre eux ne sont pas totalement avérées.

"On peut exprimer ses convictions, on peut défendre une cause, on peut considérer que les conditions d’abattage dans certains abattoirs sont révoltants, mais on ne peut pas basculer dans l’infraction pénale et plus particulièrement dans les violences", a retenu pour sa part la procureure de la République de Paris. Pour la représentante du parquet, les deux jeunes gens ont "entaché leurs convictions" en se retrouvant devant ce tribunal. Elle réclame "une peine d'avertissement". Elle a requis 6 mois de prison avec sursis à l'encontre de Pierre-Antoine C., 3 mois avec sursis à l'encontre de Ludivine B.. La décision a été mise en délibéré au 25 juin.

Justine Chevalier