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Affaire Tapie-Crédit Lyonnais: qui est soupçonné de quoi?

Christine Lagarde, directrice du FMI et ancienne ministre de l'Economie inquiétée dans l'equête sur l'arbitrage financier dans l'affaire Tapie-Crédit Lyonnais

Christine Lagarde, directrice du FMI et ancienne ministre de l'Economie inquiétée dans l'equête sur l'arbitrage financier dans l'affaire Tapie-Crédit Lyonnais - -

Après la mise en examen du juge Estoup, l’affaire prend une nouvelle tournure judiciaire qui pourrait éclabousser d’autres personnes. Du juge épinglé à Christine Lagarde en passant par Jean-Louis Borloo… qui est cité dans cette affaire?

"Escroquerie en bande organisée". La qualification retenue pour la mise en examen du juge Estoup mercredi soir est lourde de conséquences et révélatrice de la nouvelle tournure judiciaire prise par l’affaire Tapie-Adidas, dans laquelle sont également inquiétés d’anciens ministres. Qui est cité dans cette affaire et pourquoi? On fait le point.

> Pierre Estoup, un juge mis en examen

Quel était son rôle? Ancien président de la cour d’appel de Versailles, le juge Pierre Estoup, 86 ans, est l’un des trois juges (avec Pierre Mazeaud et Jean-Denis Bredin) du tribunal arbitral qui avait décidé en 2008 d'octroyer 403 millions d'euros à Bernard Tapie dans le litige l'opposant au Crédit Lyonnais. Concrètement, ce tribunal arbitral avait condamné le Consortium de Réalisation (CDR), structure publique qui gérait le passif du Crédit Lyonnais, à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (devenus 403 millions d’euros avec les dommages et intérêts).

Que lui reproche-t-on? Mis en examen mercredi soir pour escroquerie en bande organisée, il est soupçonné d'avoir favorisé Bernard Tapie dans cet arbitrage. Les enquêteurs le soupçonnent d'avoir eu des liens anciens avec Bernard Tapie et avec son avocat, Me Maurice Lantourne, liens dont Pierre Estoup n’avait pas fait état lors de l’arbitrage en 2008. Egalement auditionné dans l’enquête, Me Maurice Lantourne a été placé en garde à vue avant d’être libéré dans la nuit de mardi à mercredi.

Un ouvrage retrouvé au domicile de Pierre Estoup intrigue particulièrement les enquêteurs : il s’agit d’un livre de Bernard Tapie et qui comporte une dédicace sur "l'infinie reconnaissance" et "l'affection" de l'homme d'affaires envers le magistrat. Sur BFMTV, Bernard Tapie a estimé mardi que cette dédicace ne constituait en rien une preuve de proximité entre les deux hommes puisqu’il rédigeait toutes ses dédicaces sur ce même modèle.

> Christine Lagarde, ancienne ministre dans la tourmente

Quel était son rôle? Ministre de l’Economie au moment des faits, Christine Lagarde est celle qui a formellement demandé le recours à la procédure d’arbitrage dans le différend opposant Bernard Tapie au Crédit Lyonnais. "C’était la meilleure solution à l’époque, je pense que c’était le bon choix", a-t-elle ainsi soutenu en janvier dernier sur France 2. Un choix qui s’est avéré fort peu judicieux par la suite puisque l’Etat avait dû verser 403 millions d’euros à Bernard Tapie.

Que lui reproche-t-on? Directement mise en cause par l’un des protagonistes de ce dossier –Bernard Scemama, qui affirme avoir reçu "une consigne claire" du cabinet de l’ancienne ministre- Christine Lagarde risquait une mise en examen pour "complicité de faux" et "complicité de détournement de fonds publics". Après deux jours d’audition devant la Cour de Justice de la République, l’actuelle directrice du FMI a finalement été placée sous le statut de témoin assisté, vendredi dernier. Soit une situation intermédiaire entre témoin et mise en examen qui signifie que la justice s’intéresse encore à la personne et que les soupçons à son égard ne sont pas levés.

> Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet au carrefour de l'affaire

Quel était son rôle? Avant de devenir le PDG d'Orange, Stéphane Richard était l'ancien directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo puis de Christine Lagarde à Bercy.

Que lui reproche-t-on? Il est celui qui a été en contact avec tous les protagonistes de l'affaire ou presque. C'est lui qui aurait mis la piste d'un arbitrage sur la table avec Bernard Scemama, au moment de la nomination de celui-ci à la présidence de l'EPFR (voir plus loin), en septembre 2007. "Il m’a tout de suite parlé du dossier Tapie et m’a donné une consigne claire: il fallait aller à l’arbitrage", accusait en juillet 2011 Bernard Scemama dans une interview au Monde. "Mon seul interlocuteur, c'était Stéphane Richard. Mais quand le directeur de cabinet parle, c'est la ministre qui parle", toujours selon Bernard Scemama. Il doit être entendu par les enquêteurs le 10 juin.

> Jean-Louis Borloo: une influence à Bercy?

Quel était son rôle? Le président de l’UDI a fait un séjour d’un mois à Bercy, en mai 2007, avant que Christine Lagarde ne lui succède en juin 2007.

Que lui reproche-t-on? Selon des propos rapportés de Stéphane Richard, le président de l’UDI aurait orienté le choix d’une procédure d’arbitrage dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais. "C'est faux", a démenti Jean-Louis Borloo jeudi matin sur RTL. "J'ai passé quatre semaines à Bercy, personne ne m'a jamais sollicité dans ce dossier-là. Je ne m'en suis pas saisi, le CDR ne m'a pas sollicité, personne ne m'a sollicité. Je n'ai donné aucune instruction", a-t-il martelé. Pour l’instant, Jean-Louis Borloo n’a pas été convoqué par la justice. D’autant que Stéphane Richard a finalement réfuté jeudi avoir mis en cause Jean-Louis Borloo dans cette affaire, pointant désormais… Jean-François Rocchi.

> Jean-François Rocchi, président déchu du CDR

Quel était son rôle? Enarque, Jean-François Rocchi est arrivé à la tête du Consortium de Réalisation en 2007 avant d’en être écarté en avril dernier. A ce titre, il avait supervisé pour le compte du CDR l’arbitrage dans le contentieux avec Bernard Tapie. Son attitude au cours des négociations avait fait l'objet de critiques souligne L’Express, notamment de la part du député (UDI) Charles de Courson qui s’est prononcé contre la reconduction de Jean-François Rocchi à la tête du CDR.

Que lui reproche-t-on? "La proposition d'arbitrage est venue du président du CDR", a-t-il accusé jeudi Stéphane Richard, qui a réfuté du même coup les propos qui lui avaient été attribués et mettant en cause Jean-Louis Borloo. "On a retrouvé ce dossier en 2007", après l'élection présidentielle, "Monsieur Rocchi est venu me voir à Bercy, a précisé Stéphane Richard. Mon rôle a été celui d'interlocuteur. C'est le président du CDR qui a mené l'intégralité du dossier". Jean-François Rocchi est également visé par l’enquête ouverte contre X en septembre 2012 sur cette affaire.

> Bernard Scemama, ancien président de l'EPFR

Quel était son rôle? Bernard Scemama a présidé l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), qui chapeaute au nom de l'Etat le CDR, de septembre 2007 à février 2009. Aujourd’hui membre du conseil de surveillance de l’aéroport de Bordeaux, Bernard Scemama est poursuivi devant une Cour de discipline budgétaire pour sa responsabilité dans l'arbitrage du Crédit Lyonnais. Un rôle "minime" selon lui. "Je rappelle que j'ai été nommé le 15 septembre 2007 et que je suis entré en fonction le mois suivant, le jour même où le CDR a pris la décision de recourir à l'arbitrage. Le processus était déjà très largement entamé à mon arrivée", souligne-t-il dans une interview au Monde, en août 2011.

Que lui reproche-t-on? "Tous les actes aujourd’hui contestés ont été pris avec l’approbation ou à la demande de la ministre", assure-t-il, mettant directement en cause Christine Lagarde. "Je n'ai été qu'un exécutant, j'ai appliqué scrupuleusement les instructions de la ministre des Finances", se défend-il encore. Il est visé par l’enquête ouverte contre X en septembre 2012 sur cette affaire.

> François Pérol, l'homme de l'Elysée

Quel était son rôle? Secrétaire général adjoint de l’Elysée entre 2007 et 2009, ancien directeur de cabinet adjoint de Nicolas Sarkozy aux Finances, François Pérol aurait été très actif dans le montage technique du dossier de l’arbitrage.

Que lui reproche-t-on? Selon Le Parisien, il pourrait bientôt être entendu par les juges d'instruction parisiens en charge de l'enquête. Les juges s'intéressent en effet à plusieurs rendez-vous qui ont eu lieu à l'Elysée entre des protagonistes de l'affaire, et auxquels Christine Lagarde n'a pas été associée. "Certains auraient vu plusieurs fois Bernard Tapie dans son bureau", rapporte ainsi le quotidien.


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Sandrine Cochard