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Affaire Pierre Ménès: les révélations du rapport d’enquête interne de Canal+

Pierre Ménès

Pierre Ménès - ICON Sport

INFO BFMTV - Dans ce rapport confidentiel réalisé à la suite de la diffusion du documentaire Marie Portolano, beaucoup de témoins décrivent Pierre Ménès comme "un beauf" qui pesait sur l’ambiance des sports de Canal+. Mais pas comme un agresseur sexuel. 

Ce sont sept pages, barrées du mot "confidentiel", que Canal+ a tout fait pour garder secrètes. Lors de la présentation de ce rapport à une partie du comité social et économique de Canal+  en janvier 2021, les personnes présentes doivent laisser leurs téléphones et ordinateurs à l’entrée.

Sept pages qui sont la synthèse d’entretiens réalisés par une représentante du personnel et une de la direction après la diffusion du documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste de Marie Portolano, ex-consœur de Pierre Ménès, traitant du sexisme dans le milieu du journalisme sportif.

42 personnes - 25 hommes et 17 femmes - travaillant dans la sphère du Canal football club ou de la Direction des sports de Canal+ ont été sollicitées. Seules 30 ont accepté, selon ce rapport. Des témoignages "à la confidentialité totale" dont ni les noms, ni les faits précis n’apparaissent. 

Le rapport a pour objectif de mesurer les "comportements sexistes et inappropriés" autour de l’émission. Résultats: sept personnes s’en estiment victimes - deux hommes et cinq femmes. Et 12 personnes déclarent avoir été témoins de ces comportements. Parmi les cinq femmes victimes, quatre disent l’avoir été de Pierre Ménès - qui a quitté la chaîne après la diffusion du documentaire - et une d’une autre personne.

Pierre Ménès, un "beauf" qui humilie pour mieux briller

Le premier constat, c’est que beaucoup de témoins décrivent le consultant comme un "beauf avec un langage coutumier grossier et vulgaire" qui, quand il s’adresse aux femmes, à des propos "souvent de nature sexuelle et dégradants". 

Les enquêtrices reconnaissent toutefois que cette attitude, est l’un des motifs de son recrutement. "Il a été embauché pour son expertise footballistique et pour mettre du ‘piquant’ dans l’émission avec donc une certaine tolérance de la part de la direction sur son langage”, peut-on lire.

Ce qui ne devait pas être dans son contrat, c’est le "double comportement" de Pierre Ménès que décrivent certains témoins. Selon le rapport, il peut être "très protecteur" avec les personnes auxquelles il reconnaît "une certaine légitimité". Ainsi, l’enquête précise que précurseur, c’est lui qui a promu d'anciennes sportives à l’antenne comme consultantes. 

Mais il apparaît aussi "vulgaire et provocateur envers les plus faibles", dit le rapport. les plus faibles étant les débutants et les personnes qu’il estime "non légitimes", mais aussi des personnes ne gravitant pas dans le milieu du football comme les maquilleurs.

Vulgaire et provocateur, il l’est aussi, selon ces témoignages, envers "les personnes qui pouvaient lui faire de l’ombre à l’antenne": "il voulait montrer sa supériorité de cette manière", il vannait beaucoup, toujours pour défendre son territoire".

Une dépréciation qui aurait augmenté avec le temps: "Son côté lourdingue fatiguait de plus en plus, il était de moins en moins compris car il ne changeait pas malgré les remarques de ses collègues pour le calmer: il devenait même, selon certains, pathétique". Au point que certains témoins concluent que "le climat de l’émission est beaucoup plus serein sans lui".

"C’est un procès injuste qu’on lui fait", dénonce l’avocat du consultant, Arash Derambarsh. "L’humour de Pierre Menès a pendant longtemps fait rire beaucoup de monde. Tout le monde fait des blagues. Des blagues qu’il faut remettre dans un contexte". L’avocat étrille au passage ce rapport “où il n’y a ni lieu identifié, ni nom identifié, ni infraction identifiée". "Ce rapport ne vaut rien", estime-t-il.

"Pas de fait relevant d’une qualification pénale"

Selon cette enquête, Pierre Ménès apparaît donc "apprécié comme il est détesté", mais il ne ressort pas comme un délinquant sexuel.

En effet, aucun témoignage ne laisse penser "qu’il attendait des faveurs de nature sexuelle en retour de son comportement". Le rapport admet même qu’il n’a relevé aucun "fait relevant de qualification pénale devant être signalé à la justice", ni agression sexuelle, ni harcèlement sexuel, ni harcèlement moral. "Hormis éventuellement l’événement du baiser avec Isabelle Moreau et Francesca Antoniotti et de la jupe avec Marie Portolano", précisent les enquêtrices, prudentes. 

Si le rapport ne comporte aucun détail précis et n'évoque aucun fait susceptible de recevoir une qualification pénale, le parquet a tout de même ouverte une enquête préliminaire pour agression sexuelle et harcèlement sexuel début janvier. Et selon une source proche du dossier, les enquêteurs ont récemment demandé à récupérer les coordonnées des personnes ayant témoigné dans ce rapport afin de les convoquer prochainement.

Maxime Brandstaetter et Vincent Vantighem