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Police-Justice

Affaire Damien Abad: focus sur l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique

Le ministre des Solidarités, Damien Abad, est accusé de viols par deux femmes, pour des faits présumés commis en 2010 et 2011. L'affaire embarrasse le gouvernement et met en lumière l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, qui souligne ce lundi avoir averti l'exécutif en amont.

Deux femmes accusent de viols Damien Abad - ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées depuis vendredi - pour des faits présumés commis entre 2010 et 2011. L'affaire, qui ne fait que prendre de l'ampleur depuis que Mediapart a révélé ces soupçons dans une enquête publiée samedi, place l'exécutif en grande difficulté.

Et ce n'est pas faute de l'avoir prévenu des problèmes auxquels pouvait l'exposer une telle nomination, selon l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique. En effet, l'association revendique ce lundi avoir alerté la majorité sortante en avertissant par mail il y a une semaine quatre de ses cadres, parmi lesquels Christophe Castaner et Stanislas Guerini. La polémique met en tout cas en lumière le travail de cette instance fondée il y a quelques mois à peine.

"Face à un mur"

Lancé le 21 février dernier, à l'orée de la période électorale allant de la présidentielle passée aux législatives à venir, l'Observatoire a donc pour première tâche de recenser les violences subies par les femmes dans le monde politique. Présente sur notre plateau ce lundi, l'une de ses cofondatrices, Fiona Texeire, a listé les objectifs poursuivis par "l'OVSS" au-delà de la seule affaire Abad:

"Ce que nous demandons en général à l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, c'est que la parole des femmes soit entendue."

"On a assisté depuis MeToo, il y a quatre ans et demi, à une injonction à la libération de la parole des femmes, et on a l'impression de parler, de parler mais d'avoir un mur en face", a-t-elle encore résumé.

Dans le sillage de MeToo

La référence au phénomène MeToo est éloquente. Comme Reporterre le notait ici au moment de la fondation de l'Observatoire en février, c'est en effet le collectif #MeTooPolitique, lui-même créé à l'automne précédent, qui en est à l'origine. Un monde politique que ses militantes connaissent bien car le collectif est constitué d'élues ou collaboratrices écologistes, socialistes ou insoumises.

En-dehors de la lutte contre ces violences perpétrées dans les coulisses du pouvoir, l'association entend d'ailleurs interroger plus largement la place des femmes en politique. "La création de cet observatoire est un mécanisme de défense face à ces partis qui mettent un couvercle sur les conditions de travail des femmes et qui continuent à avoir comme modèle l’éviction des femmes dans le monde politique", a ainsi déclaré Mathilde Viot, elle aussi cofondatrice du mouvement, lors de la conférence de lancement de l'Observatoire.

L'attente d'une "réponse à la hauteur"

Invitée de notre antenne ce lundi matin, cette dernière a été collaboratrice parlementaire des députés insoumis Danièle Obono et François Ruffin: "Le rapport de forces qu'on est en train d'inscrire va modifier les choses, mais nous sommes dans un processus", a-t-elle affirmé.

Dénonçant la "jurisprudence" qui a valu lors de précédents soupçons de viol autour de ministres - de Nicolas Hulot à Gérald Darmanin -, elle a plaidé: "On doit faire cesser ces mécanismes de défense systématique." Elle a conclu en proposant d'articuler le combat contre les violences sexistes et sexuelles en politique autour de deux principes:

"Qu'on respecte à la fois la présomption d'innocence mais aussi une présomption de crédibilité."

Fiona Texeire s'est exprimée d'une même voix un peu plus tard: "Cette parole (celle des victimes, NDLR) se perd voire revient en boomerang vers les victimes, qui sont décriées, parfois attaquées en diffamation, traitées de menteuse. On voudrait donc être entendues et qu'en face, il y ait une réponse à la hauteur des violences subies".

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV