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Police-Justice

À Nanterre, l'homme accusé d'avoir brûlé vive sa conjointe nie l'homicide: "J'ai voulu lui faire peur"

Tribunal de grande instance de Nanterre (photo d'illustration).

Tribunal de grande instance de Nanterre (photo d'illustration). - MEHDI FEDOUACH / AFP

Jusqu'à mercredi est jugé à la cour d'assises de Nanterre un homme accusé d'avoir brûlé vive sa compagne sous les yeux de leur fille, en septembre 2017. Christophe J., qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, prétend qu'il a voulu "se suicider" et qu'il s'agit d'un accident.

“Vous ne pensez pas qu’il y a des moments dans la vie d’un homme où il faut tout dire?”, a tenté Me Fabien Arakelian, avocat de la famille de Ghylaine Bouchait. Mais ce lundi, devant la cour d’assises de Nanterre, Christophe J., 42 ans, a persisté à prétendre que la mort de sa compagne, brûlée vive le 22 septembre 2017 dans leur appartement du Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), n’était qu’un tragique accident. Les faits se sont déroulés devant les yeux de Camille*, leur fille alors âgée de sept ans. Il est jugé depuis jeudi pour homicide volontaire sur conjoint et encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

"J’étais entré dans un état de démence"

Survêtement noir et visage fatigué, Christophe J. a souvent eu du mal à tenir debout dans le box des accusés. Ses bras portent les marques des différentes greffes de peau qu’il a subies après avoir été gravement blessé lors de l’incendie dans lequel sa femme a été tuée. Lorsque le président lui demande s’il reconnaît les faits pour lesquels il est jugé, il nie: “J’ai tenté de me suicider, malheureusement c’est tombé sur Ghylaine, qui ne s’en est pas sortie.” Une réponse accueillie par les soupirs des parties civiles. 

Durant plus de deux heures, le président tente de comprendre de quelle nature étaient ses relations avec sa compagne avant sa mort. Il reconnaît que son couple battait de l’aile: “Je ne vais pas dire que c’était rose tous les jours”, concède-il, mais “nous avions une vie de couple et de vie de famille plutôt bien à mon goût.” Sauf que Ghylaine avait un amant. Ghylaine voulait partir. Et ça, l’accusé ne voulait pas l’accepter. “J’ai pas compris, j’ai cherché à comprendre, je pensais qu’on était une famille unie, qui s’aimait”, explique-t-il. Pendant 20 jours, Christophe J. ne dort plus.

“J’étais entré dans un état de démence. Un état où on n’est pas totalement maître de ses actes. L’être humain n’est pas fait pour ne pas dormir”, observe-t-il.

"Moi je m’en fous de votre sommeil, monsieur. Le sommeil de Ghylaine, il est éternel”, s'emporte l'avocat de la famille, Me Fabien Arakelian.

Une bouteille de Cristaline remplie d'essence

S’il a nié au début de l’instruction, Christophe J. reconnaît devant la cour que lors de cette soirée du 22 septembre 2017, sa compagne faisait ses valises. Elle s’apprêter à partir avec Camille. Alors un premier coup est parti, suivi d’un deuxième. “La bagarre a commencé dans sa chambre? Y-a-t-il eu un coup de poing au visage? Comment le corps de Ghylaine a pris feu? Vous n’avez pas approché le briquet près d’elle?" Tandis que le président multiplie les questions, lui a le regard fuyant: “Je sais plus où ça a commencé. (...) Je voulais faire peur à Ghylaine mais je n’ai jamais eu l’intention de lui faire du mal." “Mauvaise foi”, souffle-t-on du côté de la famille de la victime.

Les souvenirs sont tout aussi flous lorsque la cour tente, vainement, de comprendre comment la majeure partie d’une bouteille d'eau Cristaline remplie d’essence s’est retrouvée sur le corps de Ghylaine Bouchait, et non sur lui, comme il le prétend. “Ce jeu est insupportable pour les parties civiles et la cour. Ces trous de mémoire sont préjudiciables pour vous. Vous vous en rendez compte? Mais vous ne faites pas exprès?”, essaye son avocate Me Aurore Francelle. "Non", répond-il d’une voix à peine audible, les mains liées. Et l'accusé ne s'attire pas plus de sympathie lorsqu'il répond plus longuement aux interrogations des parties civiles:

- Vous les avez entendus, les hurlements à la mort de Ghylaine?
- Nous hurlions tous les deux.
- Un partout balle au centre alors, s'offusque Me Fabien Arakelian.

En fin d'audience, Christophe J. a multiplié les mots à l'égard de sa fille. "Je suis désolée pour Camille, pour tout le monde. Je n’ai jamais voulu tout ce qu’il s’est passé." Mais dans son journal intime, c'est bien à sa mère que l'enfant s'adresse: "Maman tu me manques, est-ce que je te manque? Tu n’as qu’à juste me répondre dans mes rêves." Christophe J. s'effondre en larmes. “Vous serez bien obligé de faire face à vous-même un jour”, lui souffle le président.

*Le prénom a été changé

Esther Paolini