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"90 de nos amis ont été tués": au procès du 13-Novembre, l'hommage des Eagles of Death Metal aux victimes

Jesse Hughes et Eden Galindo, chanteur et ex-guitariste des Eagles of Death Metal, ont témoigné ce mardi devant la cour d'assises spéciale qui juge les attentats du 13-Novembre, à Paris.

"90 de nos amis ont été tués de manière haineuse, devant nous." A voir Jesse Hughes et Eden Galindo regagner la sortie de la salle de la cour d'assises, on ne peut douter des liens qui se sont créés entre le chanteur et l'ex-guitariste des Eagles of Death Metal et les victimes et proches des victimes des attentats du 13-Novembre. Il y a cette étreinte émue entre Jesse Hughes et Olivier, le vice-président de Life for Paris, ces sourires complices entre Eden Galindo et Georges Saline, le père d'une victime ou encore cette jeune femme qui leur remet une feuille avec une photo.

Les deux artistes, l'un après l'autre, viennent de livrer un témoignage sobre de leur 13-Novembre, alors que le groupe de rock américain donnait un concert ce soir-là au Bataclan. Leur témoignage a été repoussé d'une semaine en raison de la suspension du procès à cause d'un cas de Covid-19 parmi les accusés. "J'étais très impatient de ce jour à la cour mais plus ça se rapprochait, plus j'étais réticent à venir", dit Jesse Hughes, les yeux rougis. Mais plus que le récit de l'attaque dans la salle de spectacle, ils ont souhaité rendre hommage aux victimes.

"Je veux juste dire aux familles des victimes que je pense à eux tous les jours et je prie pour eux tous les jours", souffle Eden Galindo, qui dit "ne plus être le même" depuis la tragédie.

"Je connais le son des coups de feu"

Ce soir-là, le groupe était "très heureux d'être à Paris". "Nous vivons une histoire d'amour avec Paris et tous les billets avaient été vendus", assure Jesse Hughes. Comme Eden Galindo, il est entièrement vêtu de noir. Seul son foulard rouge ressort sur son costume et sa chemise noire. Les deux musiciens se souviennent de la bonne ambiance. "Tout le monde passait un très bon moment, tout le monde dansait, tout se passait bien, détaille Eden Galindo. Après quelques chansons, j'ai commencé à entendre les bruits sourds des fusils."

Eden Galindo pense que "le système de son était en train d'exploser". Jesse Hughes reconnaît immédiatement le bruit d'une arme à feu. "Venant d'une région désertique en Californie, je connais le son des coups de feu."

L'ex-guitariste des Eagles of Death Metal ne voit pas non plus les tireurs alors que le groupe est en train d'interpréter Kiss the Devil (Embrasse le diable). "Quand Jesse (Hughes, NDLR) revient vers moi en courant, je lui demande ce qu'il se passe. Il me dit qu'ils sont en train de tirer. Je voyais des flashs dans la foule. Je voyais des gens à la première rangée qui nous regardaient nous, ils n'ont pas vu ce qu'il se passait." Puis le groupe se réunit dans un coin de la scène.

"On s'est tous mis les uns contre les autres, nous pensions que ça allait s'arrêter, mais ça a continué. Ils ont continué à tous tirer en même temps, ils se sont arrêtés de tirer, ils ont commencé à recharger leurs armes, poursuit Eden Galindo. Tout ça s'est passé un certain nombre de fois. Puis le technicien nous a dit: 'La prochaine fois que ça s'arrête on court'. Ca s'est arrêté, on est allé à l'arrière de la scène."

"La mort se rapprochait"

Le batteur des Eagles of Death Metal est le premier à sortir par une porte. Eden Galindo et Jesse Hughes partent à la recherche de la fiancée de ce dernier, présente ce soir-là au concert. Le chanteur monte à l'étage, cherche dans les loges, mais ne la trouve pas. "Quand il est redescendu, il m'a dit qu'ils tiraient en haut aussi", explique l'ex-guitariste.

"Je savais ce qui était en train d'arriver, je sentais la mort qui se rapprochait, confie, presqu'en larmes, Jesse Hughes. J'ai eu cette pulsion d'aller la trouver, je ne l'ai pas trouvée à l'étage, j'ai commencé à paniquer."

Finalement, Jesse Hughes et Eden Galindo retrouvent la jeune femme et réussissent à sortir du Bataclan. "Un ange du nom d'Arthur nous a mis dans un taxi et nous sommes allés dans un commissariat", explique le chanteur. Là il apprend que l'un de ses amis "Nick", qui s'occupait du merchandising du groupe, a été tué, comme le manager du groupe pour cette tournée européenne. "De notre point de vue, tous les gens qui étaient là étaient nos amis", estime Jesse Hughes.

"You can't kill rock'n roll"

Jesse Hughes, qui est arrivé dans la matinée d'Oslo, où il a donné un concert la veille au soir, dit avoir un temps hésiter à remonter sur scène, estimant, pour évoquer son sentiment de culpabilité, être "le fromage" qui attire "les souris" pour être ensuite "prises au piège".

Pourtant, il a trouvé la force de poursuivre grâce à "l'amour et l'accueil des Français", notamment quand le groupe est venu le 16 février 2016 terminer son concert interrompu par les terroristes. Il a trouvé aussi la force de "pardonner à ces pauvres âmes qui ont commis ces actes". "Ils ont échoué à faire taire la joie de vivre, le mal n'a pas vaincu", insiste-t-il, comme "un flambeau de lumière".

De toute façon pour Jesse Hughes, les terroristes n'auraient jamais atteint leur but car "you can't kill rock'n roll" (vous ne pouvez pas tuer le rock'n roll), conclut-il en empreintant les mots du chanteur britannique, icone du heavy metal, Ozzy Osbourne.
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV