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Police-Justice

67 839 détenus dans les prisons françaises, un triste record

Début avril, 132 des 249 établissements ou quartiers pénitentiaires accueillaient plus de détenus qu'ils n'avaient de places.

Début avril, 132 des 249 établissements ou quartiers pénitentiaires accueillaient plus de détenus qu'ils n'avaient de places. - -

Les prisons françaises ont battu un nouveau record avec 67 839 détenus début mai, malgré la volonté affichée de la gauche, au pouvoir depuis un an, de rompre avec la politique du « tout carcéral » de l'époque Sarkozy.

Triste record dans les prisons françaises en ce mois de mai. La population carcérale n’a jamais été aussi nombreuse.
Le chiffre de début mai détrône le précédent record enregistré début décembre 2012, qui affichait 67 674 détenus. Parmi les 67 839 en prison aujourd’hui, figurent 16 987 prévenus (en attente de jugement) et 50 852 personnes condamnées, selon les chiffres publiés ce vendredi par l'Administration pénitentiaire.
La ‘capacité opérationnelle’ des établissements pénitentiaires, c'est-à-dire leur capacité d'accueil, étant de 57 235 places, le taux d'occupation au 1er mai atteignait 118,5%, une proportion quasi stable par rapport à début avril.

Une circulaire inefficace

Ce nouveau record de personnes incarcérées est enregistré sept mois après la diffusion, le 19 septembre, par la Chancellerie, d'une circulaire invitant les parquets à faire des aménagements de peine une priorité et à « diversifier les orientations pénales » (travail d'intérêt général, semi-liberté, bracelets électroniques, sursis avec obligation de soins). Christiane Taubira avait alors accusé la droite d'avoir « intoxiqué l'opinion par un discours sommaire, qui [consistait] à dire que chaque délinquant [était] un criminel en puissance qu'il [fallait] enfermer ».
Cette circulaire « n'a produit aucun effet concret sur la baisse attendue de la population carcérale, y compris sur les courtes peines, voire les très courtes peines », a commenté Antoine Danel, secrétaire national du syndicat national des directeurs pénitentiaires. « On continue de voir des peines de quinze jours, un mois, mises à exécution », souligne-t-il.
Début avril, 132 des 249 établissements ou quartiers pénitentiaires accueillaient plus de détenus qu'ils n'avaient de places. Douze d'entre eux hébergeaient un nombre de détenus correspondant à au moins deux fois leur capacité d'accueil.

« Malaise profond » des directeurs de prisons

Le syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière a appelé à un rassemblement mardi prochain place Vendôme à Paris, où se trouve le ministère de la Justice, afin d’exprimer le « malaise profond » des directeurs des services pénitentiaires. « Les conditions de détention dans les maisons d'arrêt ne cessent de se heurter à la surpopulation carcérale et nous éloignent des exigences de l'Etat de droit », souligne le syndicat.
Dans un entretien à l'hebdomadaire l'Express, mi-avril, le contrôleur des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, s'était dit « très inquiet » de la surpopulation carcérale en France et toujours favorable à une amnistie des très courtes peines prononcées avant 2010 et non exécutées. Fin janvier, une mission d'information présidée par le député PS Dominique Raimbourg avait fait 76 propositions pour remédier au surpeuplement dans les prisons. La mission prônait notamment l'introduction d'un numerus clausus, afin qu'il n'y ait pas plus de personnes incarcérées que de places, proposition rejetée par Christiane Taubira.

Une loi fin 2013

La ministre de la Justice a de son côté mené entre septembre et février une vaste consultation avec les professionnels de justice et des membres de la société civile pour imaginer de nouvelles solutions à la récidive en favorisant la réinsertion dans la société plutôt que la mise à l'écart carcérale. Cette ‘conférence de consensus’ doit déboucher sur la présentation d'une loi au parlement au dernier trimestre 2013.
« Les attentes sont toujours importantes concernant la conférence du consensus » explique Antoine Danel, soulignant un calendrier « flou ». Il relève quelques propositions intéressantes dans cette consultation comme la libération conditionnelle automatique.
Parmi douze préconisations remises au gouvernement par la Chancellerie figurent notamment la création d'une peine de probation, permettant un meilleur suivi des condamnés hors de prison, ou l'allègement des peines encourues pour certaines infractions aujourd'hui passibles d'emprisonnement.

Claire Béziau, avec AFP