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Police-Justice

+35% de gardes à vue : que fait la police ?

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En 5 ans, le nombre de gardes à vue en France a augmenté de 35%. Législation plus sévère et policiers sommés de "faire leur chiffre"... les explications de l'Observatoire national de la délinquance.

Le nombre de gardes à vue a augmenté de 35 % en 5 ans, selon un rapport de l'Observatoire national de la délinquance (OND) publié mardi 12 mai. On est passé de 426 000 gardes à vue en 2003 à 577 000 en 2008. Comment expliquer ces chiffres ?

Plus de personnes mises en causes par la police

Vous pouvez être placé en garde à vue lorsque vous êtes suspecté d'avoir commis ou d'avoir tenté de commettre une infraction, et qu'un officier de police judiciaire décide de vous priver de votre liberté d'aller et venir, pour vous interroger et faire la lumière sur l'infraction. Si le nombre de gardes à vue ne cesse d'augmenter ces dernières années, c'est selon Christophe Soullez, le chef de l'OND, « parce que les services de police mettent en cause de plus en plus de personnes pour certains types d'infractions, et notamment dans des affaires de violence aux personnes, qui elles aussi augmentent et au sein desquelles on remarque un grand nombre de violences intrafamiliales où l'auteur est connu de la victime. »

« En garde à vue pour une gifle à son ex »

Autre explication à cette hausse des gardes à vue, selon l'OND : le durcissement de la législation pour certains types d'infractions depuis quelques années, comme l'explique Christophe Soullez : « avant 2002, si vous donniez une gifle à votre ex-pacsé, c'était une contravention ; après 2002, c'est devenu un délit. Et dès que ça devient un délit, la garde à vue est possible, et est comptabilisée dans l'outil de statistique policier ; ce qui n'est pas le cas pour les contraventions. »

Les limites de cette « politique du chiffre »

Des arguments que confirme Nicolas Comte, secrétaire générale du Syndicat Général de la Police (SGP-FO) : « on est rentrés depuis quelques années dans une politique du chiffre : on veut avoir des chiffres au niveau de la lutte contre la délinquance qui soient en augmentation. Le problème c'est que maintenant on se focalise sur des indicateurs ; on a mis en pratique ce que j'appelle "la religion du chiffre" et on veut plus de gardes à vue. Des objectifs sont donc fixés aux services de police pour que d'une année sur l'autre, les policiers soient obligés de réaliser plus de gardes à vue. »
Et Nicolas Comte de souligner les limites de cette « politique du chiffre » : « à partir du moment où on veut juste atteindre un chiffre, ça n'a pas forcément d'effet réel sur la délinquance, parce que l'important c'est pas le nombre de gardes à vue, mais les suites judiciaires qui sont données. » Or, si le nombre de gardes à vue a augmenté de 35 % en 5 ans, celui des personnes poursuivies en justice n'a grossi "que" de 23%.

La rédaction, avec Sébastien Gilles