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Charb, l'âme de "Charlie"

Charb à la rédaction de Charlie Hebdo en septembre 2012.

Charb à la rédaction de Charlie Hebdo en septembre 2012. - Fred Dufour - AFP

Le dessinateur Charb a été assassiné par des terroristes dans l’attaque mercredi contre la rédaction de Charlie Hebdo. Le directeur de la publication de l’hebdomadaire avait 47 ans. Portrait.

De lui, on connaît ses dessins, à l’humour sans concession. Ses épaisses lunettes de myope et son engagement farouche en faveur de la liberté d’expression. Stéphane Charbonnier, plus connu sous son pseudo de Charb, directeur de la publication de Charlie Hebdo, a été assassiné par des terroristes.

Il a été tué mercredi matin, dans l’attaque lancée mercredi contre la rédaction de l’hebdo satirique. Trois hommes lourdement armés ont pénétré dans les locaux, décimant la rédaction du journal, réunie en conférence de travail.

"Je me suis un peu fait chier"

Le dessinateur satirique, très engagé à gauche, directeur de la publication de Charlie Hebdo depuis le départ de Philippe Val, avait d'abord collaboré à L’Echo des Savanes, Télérama, Fluide Glacial et L’Humanité. On croisait aussi ses personnages, si reconnaissables, dans Mon Quotidien, le journal pour les enfants, Le monde des ados, Libération, Le Monde, La Nouvelle Vie ouvrière.

Né le 21 août 1967 à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, Stéphane Charbonnier "avait appris à dessiner pendant les cours de maths et bon an, mal an, fini par être un peu moins nul en dessin qu'en maths", selon son éditeur Casterman.

De son enfance en région parisienne à Pontoise, entre un père technicien des PTT, une mère secrétaire chez un huissier de justice et un grand-père adhérent au FN, il disait: "Je me suis un peu marré, pas trop. Je me suis un peu fait chier, pas trop. Je n’ai souffert de rien, je ne me suis réjoui de rien".

La grosse Bertha

Dans le portrait que Libération lui consacrait en mai 2009, au moment du passage de témoin de Val, parti diriger France Inter il était décrit comme un "libertaire à esprit de contradiction". "Charb est déconneur et rigoureux. Marrant et lucide", brossait Riss, dessinateur de Charlie blessé lors de la fusillade.

Charb s’était formé sur le tas, après un BTS de publicité avorté. Recruté par Cabu, son idole, à La grosse Bertha, un journal satirique où il côtoyait avec Philippe Val, Patrick Font, François Rollin, il avait ensuite rejoint Charlie nouvelle version en 1992.

Avec son trait épais et ses trognes allumées, Charb ne reculait devant aucune plaisanterie, même du plus mauvais goût. Les guerres, la politique et les politiciens, la télé-réalité, la maladie ou les religions, aucun sujet n'était à l'abri de son crayon.

Père des personnages Maurice et Patapon, un chien et un chat "moins bêtes que méchants" ou de Marcel Keuf, il est l’auteur de La vie de Mahomet, en 2013, de Dico Sarko en 2008 ou de Pierre Desproges en BD, en 2005. En 2013, la librairie La Hune avait annulé une séance de dédicace de son album intitulé Mariage pour tous. Pour le dessinateur, reculer devant cet événement était une manière de céder aux "fachos" et à la pression.

"C'est en refusant par peur ou par paternalisme de traiter les musulmans comme des citoyens avant de les traiter comme des croyants qu'on fait de l'islam un tabou", disait-il en juin 2013 à l'occasion de la sortie du second tome de La Vie de Mahomet, édité par Charlie Hebdo.

"Charia Hebdo"

En novembre 2011, les locaux de Charlie Hebdo avaient été incendiés par des jets de cocktails Molotov et le site web piraté, alors que le journal s’apprêtait à publier des caricatures montrant notamment Mahomet dans l’hebdo rebaptisé pour l’occasion "Charia Hebdo". Charb, ainsi que Riss, directeur de la rédaction et le dessinateur Luz, auteur des caricatures, avaient été placés sous protection policière. "En un an, on a épuisé une vingtaine de gardes du corps" s'en amusait-il en 2012 dans Le Monde, alors que le journal publiait, un an après, de nouveaux dessins satiriques représentant le prophète.

"Je préfère mourir debout que vivre à genoux"

Bravache, il lançait: "Je n'ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. C'est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux". "Je n'appelle pas les musulmans rigoristes à lire Charlie Hebdo, comme je n'irais pas dans une mosquée pour écouter des discours qui contreviennent à ce que je crois", assurait cet anticlérical, convaincu qu’"on peut parler sereinement de l’islam en utilisant les dessins. Il n’y a pas de tabou à caricaturer Mahomet, il n’y a pas de tabou à en parler sérieusement par le biais du dessin".

"Il faut arrêter d'avoir peur, plus on a peur de l'islam, plus l'islam fera peur", assurait-il.

Magali Rangin