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Le Réformateur: le vieil homme est amer

Serge Merlin avait déjà joué la pièce en 1991 et 2000

Serge Merlin avait déjà joué la pièce en 1991 et 2000 - Richard Schroeder

Serge Merlin (82 ans) reprend jusqu'au 11 octobre au théâtre de l'Oeuvre Le Réformateur de l'auteur autrichien Thomas Bernhard.

L’histoire 

Un philosophe, auteur d’un Traité sur la nécessaire destruction du monde, s’apprête à être nommé docteur honoris causa par l’université de Francfort. Mais, loin d’être satisfait, il est diminué par la maladie, et vit reclus avec une femme laide, qu’il refuse d'épouser et tyrannise comme une domestique.

L’auteur

Le Réformateur, comme beaucoup d’oeuvres de l’autrichien Thomas Bernhard (1931-1989), est la longue diatribe d'un misanthrope, qui liste ses détestations. Comme souvent chez l'auteur, cette logorrhée émane d'un grand intellectuel reconnu (écrivain, artiste...) dont Thomas Bernhard dévoile le comportement privé: petitesse, mesquinerie, méchanceté... Pour beaucoup, Thomas Bernhard se décrivait en réalité lui-même dans ces personnages atrabilaires.

Ici, le personnage est un philosophe, qui a fui l’université juste après y avoir mis les pieds -tout comme Thomas Bernhard avait décidé d’arrêter les études au niveau du lycée. Notre philosophe déteste les êtres humains, l’art, la nature, la lumière du jour, les "gazouillis" des oiseaux, la Suisse, le Sud où "tout pourrit" contrairement au Nord où l'on reste lucide… Bref, il déteste le monde entier, "un cloaque qu’il faut vidanger", selon lui. Ses détestations sont si excessives et opposées à l’opinion générale qu’elles en deviennent presque comiques.

On savoure aussi les multiples contradictions et la mauvaise foi permanentes du personnage. Il ne cesse de se plaindre de sa compagne, mais la réclame dès qu’elle sort de scène. Les traductions de son œuvre ont assuré sa fortune, mais il les trouve toutes exécrables. Il est très fier d’être célébré, mais il agresse ceux qui viennent l’honorer. Et surtout, il est vénéré pour un Traité dont personne ne comprend le sens, et qui prône en réalité l’anéantissement du monde. Bref, il est pris dans la contradiction du philosophe qui prend conscience de l’inutilité de son œuvre.

Ce qu'on en pense

Il est possible de monter Thomas Bernhard de manière accessible, moderne, drôle et enlevée. On pense notamment à la formidable adaptation de son roman Les maîtres anciens montée il y a 20 ans par le canadien Denis Marleau.

On est ici aux antipodes. Il faut dire que la pièce est un monologue de deux heures, délibérément répétitif, exigeant une attention soutenue. Tout repose donc sur la performance de l'interprète, Serge Merlin (82 ans), que le metteur en scène André Engel semble laisser plus ou moins en roue libre. Il récite son texte (qu’il avait déjà interprété en 1991 puis en 2000) sans coup férir, faisant entendre ses chuchotements même jusqu’au fond de la salle. Hélas, il déclame son texte un peu trop souvent, de manière très classique et peu naturelle.

Jamal Henni