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La mythique Route 66 s'expose à Paris

La Route 66

La Route 66 - Dietmar Rabich / Wikimedia Commons / « Amboy (California, USA), Hist. Route 66 -- 2012 -- 1 » / CC BY-SA 4.0

Le dessinateur suisse Thomas Ott expose jusqu’au 15 septembre à la galerie Martel, à Paris, des dessins de la célèbre route américaine qu'il a réalisés pour Louis Vuitton.

Depuis plusieurs années, Louis Vuitton propose à des dessinateurs de se rendre à un endroit du globe pour en tirer un carnet de voyage. Cette année, celui du dessinateur suisse Thomas Ott se distingue non seulement par l’exposition qui l’accompagne tout l’été à Paris, à la Galerie Martel, mais aussi par son style et son intention, assez éloignés des clichés du genre.

Connu pour son univers pessimiste, il a privilégié dans son carnet de voyage consacré à la mythique Route 66 des ambiances sombres, très éloignées de l’image ensoleillée de cette voie qui relie Chicago (Illinois) et Santa Monica (Californie).

"J’étais bien conscient que mon style n’était pas vraiment gai. Je peux tout essayer, mon style garde un côté sombre. Même si j’essaye de dessiner la lumière du soleil, on dirait qu’il y a un filtre qui rend tout un peu triste."

Fasciné par l’Amérique, qui occupe une place importante dans ses ouvrages, Thomas Ott concède qu’il a été confronté à un défi majeur: conserver son style tout en trouvant une solution pour restituer la lumière si particulière du désert américain: "Je dessine souvent la nuit, des huis clos. C’est une ambiance très différente. J’ai commencé à faire les premiers dessins comme un test, avec beaucoup de ciel, des nuages, du soleil, pour voir ce qui était possible au niveau de la lumière", dit-il, avant de préciser: "Les couleurs, ça ne m’intéresse pas trop".

La Route 66
La Route 66 © Louis Vuitton - Thomas Ott / Wikimédia Commons - Dave Johnson

Inspiré par David Lynch

Au-delà des couleurs, Thomas Ott a dû aussi trouver une dramaturgie pour éviter de faire juste un livre avec "des images qui se suivent, comme des diapos que l’on montre à ses copains après un voyage à Ibiza". Il a ainsi choisi d’alterner les séquences diurnes et nocturnes, en s’inspirant des films qui l’ont fascinés, comme Lost Highway de David Lynch. Tous les dessins ont été réalisés après son voyage.

"J’avais amené plein de trucs pour dessiner, même une petite chaise de trois pieds, du carton, mais je me suis rendu compte au fil du voyage que l’on n’a pas le temps de tout voir. C’est quand même 4000 km… Pour rassembler le maximum d’images, c’est plus facile de juste photographier. M’asseoir dans un coin, faire un bon dessin, ça me prend une heure, peut-être deux. J’étais stressé: je me disais que, dans le coin prochain, il y aurait quelque chose de meilleur qu’à l’endroit où j’étais."

Conduit par un de ses amis, il a pu se concentrer sur ce qu'il voyait en écoutant Carl Perkins, la bande originale d’Easy Rider ou encore Ghost Rider d’Alan Vega, le meilleur morceau selon lui pour traverser la Route 66. Impossible d’éviter les idées reçues lors de ce voyage: "C’est un voyage de clichés, de nostalgie", confie-t-il. Pour éviter malgré tout "le piège de la répétition", il s’est "poussé à trouver des angles particuliers".

"Evidemment, j’ai fait les photos qu’on trouve sur tous les guides de touristes", précise-t-il, avant d'ajouter: "Je ne sais pas si j’ai réussi, mais, pour moi, il était important de mélanger la vie personnelle avec des [éléments emblématiques], comme des hommages à ce que l’on connaît".

Le Canyon de Chelly en Arizona
Le Canyon de Chelly en Arizona © Louis Vuitton - Thomas Ott

Elvis est encore en vie

Pour représenter cette Amérique qui l’a tant fait rêver, il a utilisé comme à son habitude des cartes à gratter. Chaque dessin est composé d’une multitude de traits. Un véritable travail de titan, comme le suggère une image représentant le Canyon de Chelly en Arizona:

"C’est des couches que je fais. Ma façon de dessiner, c’est presque comme sculpter", indique-t-il.

Si le travail apparaît monumental, le dessin original est en réalité de petite taille. Thomas Ott préfère travailler sur ce type de format: "Je suis assez pénible, je suis un Suisse", s’amuse-t-il, avant d’ajouter plus sérieusement: "Plus l’original est grand, plus je passe de temps pour faire un truc simple. Quand je travaille plus petit, je reste plus expressif."

Dans son carnet de voyage, on trouve de tout: des néons (le dessin donne l’impression qu’ils brillent réellement), des motels, des diners… "J’ai beaucoup aimé ce diner", dit-il en désignant une image où un Elvis déjeune dans ces antres typiquement américains. "Il n’avait rien de spécial, mais il était comme à l’époque. Sur la Route 66, il y a partout des endroits pour les touristes, des drapeaux, Elvis… Pas là. Les gens de la ville venaient juste y manger."

Dans la réalité, il n’y avait pas d’Elvis dans ce diner. Thomas Ott se ravise soudain: "On ne peut pas dire si c’est lui ou pas. Il est encore vivant! Tu croyais qu’il était mort?" Evidemment qu’Elvis n’est pas mort: "On est dans l’Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende."

Louis Vuitton Travel Book Route 66, illustré par Thomas Ott, 45 euros. 

Exposition Thomas Ott - Route 66. Jusqu'au 15 septembre. La Galerie Martel est ouverte du mardi au samedi et 14h30 à 19 heures. Adresse: 17 rue Martel, 10e. Entrée libre. 

Elvis dans un diner
Elvis dans un diner © Louis Vuitton - Thomas Ott
Jérôme Lachasse