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Jon Snow, c'est Angela Merkel

Jon Snow (Kit Harington), héros de la série "Game of Thrones" et la chancelière allemande Angela Merkel.

Jon Snow (Kit Harington), héros de la série "Game of Thrones" et la chancelière allemande Angela Merkel. - HBO - Patrick Stollarz - AFP - Montage BFMTV.com

Eclairer la géopolitique à la lumière des séries télé, c'est l'idée du politologue Dominique Moïsi, qui signe La géopolitique des séries ou le triomphe de la peur. Angela Merkel et Jon Snow de Game of Thrones: même combat.

Les décapitations de Daesh renvoient-elles à celles de Game of Thrones? House of Cards préfigure-t-il Donald Trump? Les séries télé inspirent l'actualité et l'actualité inspire les séries télé. C'est le postulat du politologue et géopoliticien Dominique Moïsi, qui publie un livre intitulé La géopolitique des séries ou le triomphe de la peur. Ou comment conjuguer géopolitique et binge watching.

Le politologue, conseiller spécial de l'Ifri (Institut français des relations internationales) a pour ambition de donner au lecteur "un moyen, plus facile, plus léger, mais tout aussi sérieux d'entrer dans la géopolitique".

Et à l'entendre, les liens sont assez évidents. Pour lui le "fil d'Ariane (de ces séries), aujourd'hui, c'est le catalogue des peurs du monde. La peur du retour de la menace russe, se retrouve dans la série norvégienne, Occupied, la peur du terrorisme, est dans Homeland, la peur de la crise, de la fin de la démocratie et du rêve américain, c'est House of Cards".

Dominique Moïsi est venu livrer sa vision du monde par le prisme des séries, sur le plateau de BFMBusiness.

> Les Sopranos et le 11-Septembre

"Le point central de ma thèse c'est que le temps des séries a rencontré le temps du monde", explique Dominique Moïsi. "Il y a beaucoup plus de moyens. Les meilleurs scénaristes, les meilleurs acteurs, les meilleurs réalisateurs commencent à rejoindre les séries, qui devient quelque chose de noble. Vous avez dès 2001 une exposition au MoMa sur Les Sopranos. Or c'est précisément à ce moment-là que le monde change de la manière la plus tragique, avec le 11-Septembre 2001. Dès lors, les séries vont refléter les émotions du monde".

> House of Cards et Donald Trump

"House of Cards ce n'est pas simplement une critique de la vie politique américaine, analyse encore Dominique Moïsi. C'est la préfiguration de Donald Trump. La préfiguration des difficultés d'Hillary Clinton. J'ai eu l'impression lors de mon dernier voyage en Chine, que les dirigeants chinois adoraient House of Cards. C'était la preuve qu'il n'y avait pas tellement de différence entre le système politique américain et le leur. La formule de Underwood 'la démocratie, c'est sérieusement surestimé', ravit bien entendu tous les régimes autoritaires".

> Downton Abbey et le Brexit

"Downton Abbey, c'est la peur d'un système qui change. Quand vous regardez cette série, vous plongez au coeur de l'identité britannique. Ce n'est pas l'Europe, c'est autre chose. Sur ce plan-là, il y a une réflexion tocquevillienne, sur un monde qui change. Mais peut-être que les Britanniques n'ont pas envie qu'il change, ce monde. Et donc, il seraient prêts, peut-être, à dire non à l'Europe, au nom de la sauvegarde de leur identité".

> Game of Thrones et Daesh

"Game of Thrones, ce n'est pas le Moyen-Age, c'est le Moyen-Orient, explique encore Dominique Moïsi. Game of Thrones, c'est la fascination pour le chaos. Quelque part, j'ai eu un doute: est-ce que les terroristes de Daesh ne s'inspirent pas de Game of Thrones? Quand vous voyez les décapitations, l'annonce à un moment donné de la prochaine personne qui va être exécutée, vous avez l'impression que vous passez au prochain épisode.

Dans Game of Thrones, comme dans la Syrie aujourd'hui, il y a un seul vainqueur, c'est la mort. L'objectif, c'est la sidération du spectateur, dans le monde de la fiction comme dans le monde réel. D'où cette interaction entre fiction et réalité. Quand vous voyez un des héros de Game of Thrones risquer sa vie pour les réfugiés (ndlr: Jon Snow, dans la saison 5), vous vous dites, c'est Angela Merkel. Quelque part, la série a précédé la réalité".

M. R.